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Euro 2012 : à Donetsk, la colère contre le boycott français

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Message  Caduce62 Jeu 21 Juin - 18:45

Euro 2012 : à Donetsk, la colère contre le boycott français

Nouvel Observateur 13-06-2012

Le gouvernement français refuse de se déplacer en Ukraine, où les Bleus sont installés. Voyage et rencontres à Donetsk où l’on ne comprend pas.

Euro 2012 : à Donetsk, la colère contre le boycott français 38587810

(A Donetsk) Le gouvernement Hollande a décidé de ne pas mettre un pied en Ukraine le temps de l’Euro, signe de protestation contre la détention de l’ancienne Premier ministre Ioulia Timochenko.

Mais les Bleus ne font pas de politique. Ils ont installé leur camp d’entraînement à Donetsk, fief du pouvoir, hostile à Timochenko, tout près de la Russie.

"Timochenko a fait sa promo"

Comme la majorité des habitants de cette ville, qui en compte presque 1 million, Viktoriya, 28 ans, juge le boycott ridicule. Au volant de sa grosse voiture, cette grande blonde élancée trouve que les Occidentaux ne comprennent pas l’Ukraine, à commencer par la Révolution orange de décembre 2004 :

Cette Révolution, ce n’était rien d’autre qu’une opération de promotion de Timochenko, proche des pays occidentaux. Beaucoup d’Ukrainiens ont été payés pour rejoindre Kiev et faire croire qu’il se passait quelque chose d’incroyable. Alors boycotter l’Euro pour elle..."

Avant, Viktoriya travaillait, pour 80 euros par mois, comme interne à l’hôpital de Donetsk. "Dans des conditions insalubres et insupportables." Une de ses copines y a attrapé la tuberculose. Maintenant, la jeune femme bosse de temps en temps pour une agence de concerts – grande nouvelle : Lara Fabian débarque à la rentrée – et va créer sa boutique de vente de matériel médical.

Grâce à l’argent de sa mère, propriétaire d’un magasin de plantes médicinales, Vikoriya a beaucoup voyagé, en Italie, en Australie, au Japon, ce pays, si paisible, qu’elle a adoré.

"Même s’il ne peut pas faire grand chose à cause de la crise", elle préfère le président actuel, Vicktor Ianoukovitch, pro-russe. L’idée d’entrer un jour dans l’Union Européenne la fait rire.

Je n’en vois pas l’intérêt. L’Union Européenne va mourir avant que nous ayons le temps de vous rejoindre."

Prototype de la fille de bonne famille de Donetsk, elle est adorable. Belle dans sa longue robe d’été à carreaux, terrifiante quand elle parle du racisme, si souvent associé à son pays.

Je ne crois pas qu’il y ait tant de racisme que ça. Il y a peu d’étrangers dans ce pays. Moi, je travaillais avec des Arabes à l’hôpital. Il faut dire qu’ils se comportaient vraiment comme des singes, ils regardaient les filles très bizarrement."

Elle tire la langue et écarquille les yeux pour les imiter.

"C’est facile de s’attaquer à l’Ukraine"

Près de la majestueuse place Lénine, dans un des nombreux parcs de cette ville charmante et ensoleillée, deux amies, Olga et Tatiana, 56 ans toutes les deux, profitent du beau temps. Très maquillées, le regard bleu souligné, on dirait de vieilles poupées qui défient, amusées, les puissances occidentales depuis leur banc :"La France devrait venir ici pour soutenir sa sélection et laisser la justice décider en toute indépendance. C’est extrêmement facile de s’attaquer à l’Ukraine, nous sommes petits. Mais pourquoi les pays européens ne disent rien sur Poutine et Khodorkovski ? Ce n’est pas parce que la Russie est très riche, quand même ?"

Olga et Tatiana dans un parc de Donetsk le 9 juin 2012 (Imanol Corcostegui/Rue89)
Les deux dames s’expriment en russe, comme tout le monde ici. A Donetsk, on parle aussi peu anglais qu’ukrainien, deux "langues étrangères" enseignées à l’école.

Comme Stakhanov, le mineur qui aurait extrait 102 tonnes de charbon en 6 heures de travail et est devenu une expression, le président Ianoukovitch est né à Donetsk, dans la partie pro-russe du pays, très différente de Kiev.

Tout comme l’oligarque Akhmetov, dont il est proche, l’homme le plus riche du pays qui a construit cette Donbass Arena, où s’apprêtent à jouer les Bleus. Donestk penche du côté du pouvoir.

En quittant Olga et Tatiana, qu’il a rencontrées avec nous, Vlad, 25 ans, blondinet aux petites lunettes, rigole. Ces deux-là, anciennes employées dans une entreprise de revente des produits de la mine, le principal secteur d’activité de la région, lui semblent parfaitement incarner les riches de Donetsk.

Vodka et jus d’orange séparés

Le père de Vlad est mineur, sa mère au chômage. Lui a fait des études d’ingénierie civile mais il n’a pas trouvé de boulot convenable dans cette branche.

Comme partout, dans ce pays, il faut être le fils de quelqu’un d’important pour accéder à de bonnes fonctions."

Du coup, il travaille pour le journal officiel de la ville, payé 300 euros par mois, dont la moitié part dans son loyer. Impossible de faire des sujets polémiques mais il s’amuse bien. On rejoint ses amis dans un bar.

Aparté : ici, en général, la vodka ne se mélange pas avec le jus d’orange ; on boit d’abord la vodka cul sec, puis on avale le verre de jus.

Vlad fait partie de la minorité d’habitants de Donetsk qui soutiennent le boycott :

La condamnation de Timochenko est politique. On veut juste l’écarter du pouvoir, parce qu’elle dérange, trop proche des pays occidentaux. Les gens de Donetsk ne partagent pas mon avis, je le sais bien. Peut-être que je pense ça parce que mon esprit s’est ouvert avec mes voyages, en Europe de l’est, surtout."

Vlad sort son drapeau ukrainien

Son ami Dima, qui a vécu sept ans en Grèce avant de rentrer, avec sa femme, pour monter une agence de tourisme, est d’accord avec Vlad :

Je connais des gens de villes voisines, des petites entrepreneurs, qui sont allés à Kiev, au moment de la Révolution orange, par enthousiasme, pas parce qu’on les a payés."

On est vendredi, le match entre la Russie et la République Tchèque va commencer. Vlad sort de son sac un grand drapeau ukrainien et s’enroule dedans. Il espère que la Russie va perdre. A Donetsk, c’est un petit acte de résistance, les autres clients le regardent bizarrement.

"La prostitution, pas pire qu’ailleurs"

L’image de leur pays véhiculée par les médias étrangers ne plaît pas aux deux jeunes hommes :

La prostitution, ce n’est pas pire qu’ailleurs. Ce genre de choses est propre aux gros événements sportifs. Le racisme, peut-être un peu plus mais nous sommes très nombreux ici à être tolérants. Le vrai problème de ce pays, c’est la corruption. Elle ronge l’Ukraine."

L’immense majorité des habitants de Donetsk que nous avons rencontrés pensent la même chose. Et cette lassitude se traduit par un rejet de la classe politique.

"Il faudrait de nouveaux politiciens"

Ce n’est pas parce qu’on est à Donetsk que tout le monde s’incline devant le président actuel.

Crâne rasé, visage bouffé par de grosses lunettes de soleil, Aleksander est un avocat de 36 ans. Il résume ce que beaucoup d’autres nous ont dit :

Timochenko est une criminelle mais les autres hommes politiques sont pareil. Ianoukovitch a été deux fois en prison et maintenant, il est à la tête du pays... Pour vraiment changer la situation, il faudrait de nouveaux politiciens qui n’auraient rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Mais le sport et la politique sont deux versants différents de la vie et ils ne doivent pas être mélangés."

Le pouvoir contre Timochenko

Ianoukovitch a été élu à la tête du pays en 2010, après que la Révolution orange a fait flop, morte des querelles entre ses leaders. Timochenko, elle, condamnée pour abus de pouvoir dans l’obtention de contrats gaziers avec la Russie, est en prison depuis décembre, dans des conditions que les Européens jugent indignes. L’arrêt de la Cour de cassation sera rendu cinq jours avant la finale de l’Euro. Ilhor Todorov de l’université de Donetsk :

En 2007, l’UEFA a choisi l’Ukraine comme pays organisateur parce qu’il y a eu la Révolution orange et que le pays est devenu compatible avec un événement comme l’Euro. Aujourd’hui, les dirigeants ukrainiens ne partagent pas les valeurs européennes. Mais ce n’est pas pour ça que l’Euro sera un échec, on fera le bilan en juillet."
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