"L'Ukraine, pays carrefour entre l'UE et la Russie"
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"L'Ukraine, pays carrefour entre l'UE et la Russie"
Laure Delcour : "L'Ukraine, pays carrefour entre l'UE et la Russie"
Suite à la condamnation de l'ancienne Première ministre et égérie de la "révolution orange", Ioulia Timochenko le 11 octobre dernier, Toute l'Europe propose de dresser un état des lieux des relations entre l'Ukraine et l'UE avec Laure Delcour, conseiller pédagogique à la direction des Affaires européennes de l’ENA et spécialiste de la politique européenne de voisinage.
Touteleurope.eu : Quelles ont été les étapes clés des relations de l'Union européenne avec l'Ukraine ?
Laure Delcour : C’est après la dissolution de l’URSS que l’UE a développé des relations avec l’Ukraine, comme avec les autres anciennes républiques soviétiques. En 1994, un accord de partenariat et coopération (APC) a été conclu ; il reste à ce jour le cadre contractuel régissant les relations entre l’UE et l’Ukraine.
A partir de la fin des années 90, l'UE a commencé à se préoccuper des conséquences externes de son élargissement à venir, en particulier des questions de sécurité qui pourraient poser problème dans son voisinage.
Les stratégies communes élaborées vis-à-vis de l'Ukraine et de la Russie en 1999 témoignent de l'importance croissante accordée par l'UE à ces futurs voisins.
Le lancement de la politique européenne de voisinage (PEV) en 2004 marque une étape fondamentale dans l'évolution des relations entre l'UE et l'Ukraine.
Par l'intermédiaire de cette politique, l'UE propose à nos voisins une relation privilégiée et oeuvre pour le renforcement de la prospérité, de la stabilité et de la sécurité de tous.
L’Ukraine, qui dès la fin des années 1990 avait exprimé sa volonté de rejoindre l’Union, s’est imposée comme l’un des pays les plus avancés dans le cadre de la PEV.
En mars 2007, des négociations ont été lancées entre l’UE et l’Ukraine pour un nouvel accord destiné à remplacer l’APC ; le sommet UE-Ukraine de Paris en septembre 2008 a décidé que ce nouvel accord serait un accord d’association.
Ainsi depuis l'effondrement de l'URSS, l'UE et l'Ukraine se sont progressivement rapprochées. L’accord d’association est une nouvelle étape fondamentale dans ce processus. Il prévoit un renforcement du dialogue politique, un accord de libre-échange complet et approfondi et, à long terme, l’élimination des visas.
Touteleurope.eu : Quelles ont été les conséquences de l'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch ?
Laure Delcour : L'élection de Viktor Ianoukovitch à la tête de l'Etat ukrainien en février 2010 n’a pas eu en soi de conséquences sur les relations entre l’UE et l’Ukraine. Elle n’a pas constitué une rupture. En affirmant que sa priorité restait l’intégration européenne, le nouveau président s’est en effet placé dans la continuité.
Touteleurope.eu : Quelles raisons ont motivé l'annulation de la visite de Viktor Ianoukovitch prévue jeudi dernier à Bruxelles ?
Laure Delcour : La condamnation à sept ans de prison de l'ancienne Première ministre et égérie de la "révolution orange", Ioulia Timochenko, a été dénoncée par l’UE et de nombreux observateurs comme étant de nature politique. C'est la raison pour laquelle l'UE a décidé d'annuler la visite du président ukrainien prévue le jeudi 20 octobre à Bruxelles.
Touteleurope.eu : Suite à la condamnation d'Ioulia Timochenko, et à l'annulation de la visite du président ukrainien prévue à Bruxelles, comment vont évoluer les relations entre l'UE et l'Ukraine ?
Laure Delcour : L'évolution des relations dépendra en grande partie des transformations politiques en Ukraine. Beaucoup d’observateurs se sont montrés très optimistes au lendemain de l’effondrement de l’URSS ou des révolutions de couleur, en pensant que ces événements conduiraient à une démocratisation rapide dans la région. Le processus de transformation politique des Etats post-soviétiques est en réalité long, complexe, et imprévisible.
Touteleurope.eu : Pensez-vous que l'adhésion de l'Ukraine à l'UE est envisageable ?
Laure Delcour : Tout Etat désirant adhérer à l'UE doit satisfaire une série de critères et conditions. En vertu de l’article 49 du traité UE, tout pays désirant rejoindre l'UE doit être "européen", condition que satisfait l'Ukraine.
Les critères de Copenhague énoncés en 1993, incluent des critères politiques (stabilité des institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, le respect des droits de l'homme…), économiques (existence d'une économie de marché viable, capacité de faire face à la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union), et enfin la capacité du pays candidat à reprendre, dans sa législation, l’acquis communautaire. Répondre aux critères de Copenhague est un processus long et difficile. L'Ukraine n'est pas prête à satisfaire ces conditions.
Enfin une nouvelle condition a été énoncée milieu des années 2000 : la capacité d'absorption de l'UE. Après les adhésions de douze nouveaux Etats en 2004 et 2007, le contexte n'est pas favorable à un élargissement au-delà de ceux qui sont déjà prévus, à savoir les Balkans.
Ainsi la question de l'adhésion de l'Ukraine n’est pas actuellement inscrite sur l’agenda européen.
Touteleurope.eu : Quelle est la nature des relations que l'Ukraine entretien avec son voisin, la Russie ?
Laure Delcour : L’histoire a fait que ces deux Etats entretiennent des relations extrêmement proches et complexes.
L’élection de Vikor Ianoukovitch à la présidence a été présentée comme le prélude à un tournant pro-russe dans la diplomatie ukrainienne. La réalité est plus nuancée. Si un rapprochement s’est opéré avec la Russie, l’Ukraine a continué de privilégier ses relations avec l’Union européenne.
Ainsi, elle n’a pas cédé aux pressions russes l’incitant à rejoindre l’Union douanière que Moscou forme avec la Biélorussie et le Kazakhstan – une Union incompatible avec la zone de libre-échange approfondie que Kiev négocie actuellement avec Bruxelles.
Pays carrefour, l’Ukraine reste cependant en équilibre entre l’UE et la Russie ; tout changement dans ses relations avec l’un de ces partenaires a des conséquences sur ses liens avec l’autre.
Jolie analyse.
Suite à la condamnation de l'ancienne Première ministre et égérie de la "révolution orange", Ioulia Timochenko le 11 octobre dernier, Toute l'Europe propose de dresser un état des lieux des relations entre l'Ukraine et l'UE avec Laure Delcour, conseiller pédagogique à la direction des Affaires européennes de l’ENA et spécialiste de la politique européenne de voisinage.
Touteleurope.eu : Quelles ont été les étapes clés des relations de l'Union européenne avec l'Ukraine ?
Laure Delcour : C’est après la dissolution de l’URSS que l’UE a développé des relations avec l’Ukraine, comme avec les autres anciennes républiques soviétiques. En 1994, un accord de partenariat et coopération (APC) a été conclu ; il reste à ce jour le cadre contractuel régissant les relations entre l’UE et l’Ukraine.
A partir de la fin des années 90, l'UE a commencé à se préoccuper des conséquences externes de son élargissement à venir, en particulier des questions de sécurité qui pourraient poser problème dans son voisinage.
Les stratégies communes élaborées vis-à-vis de l'Ukraine et de la Russie en 1999 témoignent de l'importance croissante accordée par l'UE à ces futurs voisins.
Le lancement de la politique européenne de voisinage (PEV) en 2004 marque une étape fondamentale dans l'évolution des relations entre l'UE et l'Ukraine.
Par l'intermédiaire de cette politique, l'UE propose à nos voisins une relation privilégiée et oeuvre pour le renforcement de la prospérité, de la stabilité et de la sécurité de tous.
L’Ukraine, qui dès la fin des années 1990 avait exprimé sa volonté de rejoindre l’Union, s’est imposée comme l’un des pays les plus avancés dans le cadre de la PEV.
En mars 2007, des négociations ont été lancées entre l’UE et l’Ukraine pour un nouvel accord destiné à remplacer l’APC ; le sommet UE-Ukraine de Paris en septembre 2008 a décidé que ce nouvel accord serait un accord d’association.
Ainsi depuis l'effondrement de l'URSS, l'UE et l'Ukraine se sont progressivement rapprochées. L’accord d’association est une nouvelle étape fondamentale dans ce processus. Il prévoit un renforcement du dialogue politique, un accord de libre-échange complet et approfondi et, à long terme, l’élimination des visas.
Touteleurope.eu : Quelles ont été les conséquences de l'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch ?
Laure Delcour : L'élection de Viktor Ianoukovitch à la tête de l'Etat ukrainien en février 2010 n’a pas eu en soi de conséquences sur les relations entre l’UE et l’Ukraine. Elle n’a pas constitué une rupture. En affirmant que sa priorité restait l’intégration européenne, le nouveau président s’est en effet placé dans la continuité.
Touteleurope.eu : Quelles raisons ont motivé l'annulation de la visite de Viktor Ianoukovitch prévue jeudi dernier à Bruxelles ?
Laure Delcour : La condamnation à sept ans de prison de l'ancienne Première ministre et égérie de la "révolution orange", Ioulia Timochenko, a été dénoncée par l’UE et de nombreux observateurs comme étant de nature politique. C'est la raison pour laquelle l'UE a décidé d'annuler la visite du président ukrainien prévue le jeudi 20 octobre à Bruxelles.
Touteleurope.eu : Suite à la condamnation d'Ioulia Timochenko, et à l'annulation de la visite du président ukrainien prévue à Bruxelles, comment vont évoluer les relations entre l'UE et l'Ukraine ?
Laure Delcour : L'évolution des relations dépendra en grande partie des transformations politiques en Ukraine. Beaucoup d’observateurs se sont montrés très optimistes au lendemain de l’effondrement de l’URSS ou des révolutions de couleur, en pensant que ces événements conduiraient à une démocratisation rapide dans la région. Le processus de transformation politique des Etats post-soviétiques est en réalité long, complexe, et imprévisible.
Touteleurope.eu : Pensez-vous que l'adhésion de l'Ukraine à l'UE est envisageable ?
Laure Delcour : Tout Etat désirant adhérer à l'UE doit satisfaire une série de critères et conditions. En vertu de l’article 49 du traité UE, tout pays désirant rejoindre l'UE doit être "européen", condition que satisfait l'Ukraine.
Les critères de Copenhague énoncés en 1993, incluent des critères politiques (stabilité des institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, le respect des droits de l'homme…), économiques (existence d'une économie de marché viable, capacité de faire face à la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union), et enfin la capacité du pays candidat à reprendre, dans sa législation, l’acquis communautaire. Répondre aux critères de Copenhague est un processus long et difficile. L'Ukraine n'est pas prête à satisfaire ces conditions.
Enfin une nouvelle condition a été énoncée milieu des années 2000 : la capacité d'absorption de l'UE. Après les adhésions de douze nouveaux Etats en 2004 et 2007, le contexte n'est pas favorable à un élargissement au-delà de ceux qui sont déjà prévus, à savoir les Balkans.
Ainsi la question de l'adhésion de l'Ukraine n’est pas actuellement inscrite sur l’agenda européen.
Touteleurope.eu : Quelle est la nature des relations que l'Ukraine entretien avec son voisin, la Russie ?
Laure Delcour : L’histoire a fait que ces deux Etats entretiennent des relations extrêmement proches et complexes.
L’élection de Vikor Ianoukovitch à la présidence a été présentée comme le prélude à un tournant pro-russe dans la diplomatie ukrainienne. La réalité est plus nuancée. Si un rapprochement s’est opéré avec la Russie, l’Ukraine a continué de privilégier ses relations avec l’Union européenne.
Ainsi, elle n’a pas cédé aux pressions russes l’incitant à rejoindre l’Union douanière que Moscou forme avec la Biélorussie et le Kazakhstan – une Union incompatible avec la zone de libre-échange approfondie que Kiev négocie actuellement avec Bruxelles.
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