Holodomor
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Re: Holodomor
Une plaque commémorative à la mémoire des victimes du Holodomor et des crimes contre l’humanité en Ukraine sera installée à Paris.
Cette information a été confirmé par Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement de Paris.
«Le deuxième forum des associations et initiatives franco-ukrainiennes organisé à la mairie du 6ème arrondissement de Paris a été un franc succès. Des dizaines d'associations étaient représentées. Des centaines de visiteurs sont venus», a raconté Ihor Reshetnyak, activiste ukrainien.
Cette information a été confirmé par Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement de Paris.
«Le deuxième forum des associations et initiatives franco-ukrainiennes organisé à la mairie du 6ème arrondissement de Paris a été un franc succès. Des dizaines d'associations étaient représentées. Des centaines de visiteurs sont venus», a raconté Ihor Reshetnyak, activiste ukrainien.
Caduce62- Messages : 15238
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Re: Holodomor
https://www.atlantico.fr/decryptage/3581771/holodomor--comment-la-grande-famine-en-ukraine-a-ete-passee-sous-silence-lors-du-regne-de-staline-urss-guerre-morts-memoire-conflit-anne-applebaum?fbclid=IwAR3h2hFATwXKJT3IzwLyKu_8FUHBzbHddWEAmadf0AytTxbKHs2vYP9wbbk
Holodomor : comment la grande famine en Ukraine a été passée sous silence lors du règne de Staline
Le livre d’Anne Applebaum, "Famine rouge : la guerre de Staline en Ukraine", est publié en France aux éditions Grasset. La famine meurtrière qui frappa l’Ukraine au début des années 30 reste un des chapitres les moins explorés de l’histoire soviétique. Anne Applebaum répare enfin cette injustice par un livre qui fera date. Extrait 1/2.
Avec Anne Applebaum
En 1933, on savait en ville que les villages se mouraient. Les dirigeants et cadres du Parti communiste ou du gouvernement le savaient aussi. Chacun en avait les preuves sous les yeux : les paysans dans les gares, les rapports venant de la campagne, les scènes dans les cimetières et les morgues. Que les dirigeants soviétiques l’aient su ne fait aucun doute. En mars 1933, Kossior adressa à Staline une lettre où il parlait explicitement de la faim – les provinces de l’Ukraine imploraient l’aide du Comité central – et prévoyait le pire, observant que « même la famine n’a pas inculqué le bon sens aux paysans », encore trop lents dans leurs semailles du printemps. En avril, il écrivit de nouveau, notant le grand nombre de gens qui rejoignaient désormais les fermes collectives : « La famine, qui a touché en premier lieu les paysans indépendants, a joué un grand rôle. »
Dans le monde soviétique officiel, cependant, la famine ukrainienne, ou plus généralement soviétique, n’existait pas. Elle n’existait ni dans la presse ni dans les discours publics. Les dirigeants nationaux et locaux n’en parlaient pas et ne devaient jamais l’évoquer. Alors que la famine de 1921 avait suscité un appel solennel, largement entendu, à l’aide internationale, celle de 1933 fit l’objet d’un déni total, tant en Union soviétique qu’à l’étranger : il n’y avait pas réellement de pénurie alimentaire. L’objectif était de faire disparaître la famine, comme si elle n’avait jamais existé. En ces temps qui ignoraient la télévision et l’Internet, avant l’ouverture des frontières et les voyages, c’était plus facile d’y parvenir que ça ne le serait au XXIe siècle. Même en 1933, cependant, le camouflage nécessita un effort extraordinaire de la part de nombreuses personnes au fil de longues années.
La négation organisée de la famine commença très tôt, avant même que le pire ne se fût produit. D’emblée, ses inspirateurs poursuivirent un certain nombre d’objectifs. En URSS même, le camouflage n’était que partiellement destiné à duper la population, ou tout au moins ceux qui n’avaient pas une connaissance directe de la famine, même s’il n’y réussit probablement pas. Les rumeurs se révélèrent incontrôlables et circulèrent – Staline le savait très bien – jusque dans les familles de l’élite bolchevique. En revanche, les lettres de protestation, très souvent envoyées par toutes sortes de gens – paysans, officiels, bureaucrates – dans les années menant à la famine cessèrent bientôt. On trouve en Union soviétique des preuves anecdotiques d’un effort pour surveiller les courriers qui arrivaient à l’Armée rouge. Le frère de Maria Bondarenko, qui servait dans le Caucase, raconta à sa sœur qu’aucun des soldats ukrainiens ne reçut de courrier des siens en 1933. Des membres de son unité finirent par retrouver les lettres retenues. C’est alors seulement qu’ils surent la vérité sur le sort de leurs familles. D’autres soldats ne reçurent jamais aucune lettre des leurs en 1932 ou 1933 – comme si leur famille avait subitement disparu, se rappelaient certains.
Le discours public fit l’objet d’efforts plus intenses encore. Survivant de la famine, un soldat de l’Armée rouge ukrainienne fut appelé en 1934. Au cours d’une classe d’« instruction politique » que tous les soldats devaient suivre, il posa une question sur la famine au professeur, qui lui répondit sèchement : « Il n’y a pas eu de famine, et il ne saurait y en avoir ; tu feras dix jours au mitard si tu continues de parler comme ça. » Quant aux étudiants et ouvriers envoyés à la campagne pour aider à rentrer la moisson de 1933, on leur rappela souvent sèchement de ne pas parler de ce qu’ils avaient vu. Par peur, beaucoup obéirent. On nous a dit de nous « coudre la bouche », rapporte l’une d’elles. Tout le monde comprenait le code du silence :
Au travail, personne ne parlait de la famine ni des corps dans les rues, comme si nous trempions tous dans une conspiration du silence. Nous ne parlions des terribles nouvelles des villages qu’avec nos amis les plus proches et les plus sûrs […]. Les rumeurs se trouvèrent confirmées quand, ordre leur ayant été donné d’aller dans les campagnes aider aux moissons, les citadins virent eux-mêmes d’où venaient les squelettes vivants qui hantaient les rues de nos villes.
Le tabou frappant toute évocation de la famine en public concernait aussi le personnel médical. Médecins et infirmières se souviennent qu’on leur demanda d’« inventer quelque chose » pour les certificats de décès ou d’imputer tous les cas de famine à des « maladies infectieuses » ou des « arrêts cardiaques ».
La peur gagna même la correspondance entre officiels. En mars, dans une lettre au Comité central du Parti communiste ukrainien, le secrétaire du gouvernement local de Dnipropetrovsk déplora que les nombreux cas de famine, de corps gonflés et de morts de faim ne fassent l’objet d’aucune attention officielle parce que les responsables des échelons inférieurs omettaient de les rapporter : « On estimait que c’était être antiparti, qu’il était même répréhensible d’y réagir. » Dans un cas, le secrétaire villageois du parti dont le corps avait gonflé sous l’effet de la faim négligea de rapporter quoi que ce soit tant il avait peur de la censure.
L’urgence passant, la vigilance officielle s’étendit aux archivistes. En avril 1934, la direction provinciale d’Odessa adressa une note à tous les comités locaux du parti, pour les avertir de la « manière criminellement scandaleuse » dont les naissances et les décès étaient enregistrés : « Dans un certain nombre de conseils de village, ce travail est en fait entre les mains d’ennemis de classe : koulaks, séides de Petlioura, déportés spéciaux, etc. » Soi-disant pour renforcer la surveillance, les chefs d’Odessa retirèrent à tous lesdits conseils les registres de décès de 1933, « sans exception », mais aussi de 1932, dans certaines régions. Il existe des ordres analogues pour la province de Kharkiv, où les autorités exigèrent tous les registres de décès de novembre 1932 à la fin de l’année 1933, au prétexte qu’ils se trouvaient entre les mains d’« éléments de classe hostiles », comme les koulaks, les petliouristes et les déportés spéciaux.
En réalité, les deux types de documents se conformaient à une formule identique, résultant probablement d’un ordre des autorités ukrainiennes visant à détruire les preuves de la famine. Même si les chiffres de la mortalité établis aux niveaux provincial et national restèrent dans les archives des statistiques, au niveau du village les dossiers furent souvent détruits. Des témoins des provinces de Jytomyr et Tchernihiv ont raconté la disparition des registres de décès de leurs villages en 1933-1934. À Vinnytsia, observe Stepan Podolian, on avait demandé à son père de brûler les registres du village et de les réécrire en éliminant toute allusion à la faim.
Aux plus hauts échelons, le maquillage devint une forme de discipline du parti, un moyen de contrôler les cadres, et même d’éprouver leur loyauté. Afin de prouver leur dévouement, les membres du parti devaient accepter et endosser les mensonges officiels. Roman Terekhov, un des chefs du parti à Kharkiv, osa employer le mot « famine » en présence de Staline et en public au cours de l’automne 1932. La réponse du dirigeant soviétique fut cinglante : « Tu racontes ces salades en imaginant que tu vas nous intimider, mais ça ne prendra pas ! Va donc à l’Union des écrivains écrire des contes de fées pour les idiots. » Deux semaines plus tard, Terekhov perdait son poste.
On trouve un écho de cet incident dans les discours de la Conférence du parti, l’année suivante. Beaucoup de communistes ukrainiens devaient parler de « problèmes » ou de « difficultés », très rarement de « famine ». Bien entendu, ils savaient ce qui se passait mais, pour survivre, ils devaient observer les tabous du Kremlin. En privé, les lettres de Kossior à Staline le prouvent, on continuait d’employer le mot. Même s’il n’existe aucune trace écrite d’un ordre interdisant d’utiliser le mot « famine » en public, on est frappé de voir combien son usage était rare. Les officiels soviétiques utilisaient plutôt des euphémismes. Quand un consul japonais en poste à Odessa s’enquit de la réalité de la famine, par exemple, on lui répondit qu’il y avait des « pénuries de vivres, pas de famine ».
Les victimes étaient plus difficiles à bannir. Après l’inhumation des corps dans des fosses communes anonymes et la modification des registres de décès, restait le problème des statistiques soviétiques. En 1937, le Bureau du recensement entreprit de dénombrer la population : tâche immense que la nécessité de coordonner la planification centrale rendait urgente. Alors même que s’engageait cette opération complexe – des millions de gens devaient remplir des formulaires –, la direction soviétique s’inquiéta du résultat possible. « Pas un seul chiffre du recensement ne saurait être publié », annonça-t-on aux employés des services statistiques locaux en décembre 1936. Il ne devait pas y avoir non plus de « traitement préliminaire des matériaux bruts ».
Le résultat final du recensement de 1937 n’en fut pas moins un choix. La presse avait anticipé en laissant croire à un essor démographique, « signe de la forte amélioration du niveau de vie de nos ouvriers » après « dix années de lutte héroïque pour le socialisme ». Ne voulant pas être accusés d’envoyer un message négatif, les statisticiens avaient eux aussi adressé des rapports réguliers en ce sens. Un rapport préliminaire laissa prudemment entendre que le niveau de la population pouvait bien se révéler inférieur à ce qui était prévu en Ukraine, au Caucase du Nord et dans la région de la Volga – « où la résistance des koulaks à la collectivisation fut particulièrement déterminée et âpre » –, mais il ne s’étendit guère. Globalement, les projections étaient optimistes. En 1934, les responsables du recensement estimèrent la population de l’URSS à 168 millions d’habitants. En 1937, ils l’évaluaient à 170, voire 172 millions. Quand les vrais chiffres finirent par tomber, ils étaient très différents.
L’URSS comptait en fait 162 millions d’habitants, soit un « manque » de 8 millions pour ceux qui s’attendaient à 170 millions. Ce chiffre approximatif comprenait les victimes de la famine et leurs enfants qui n’étaient pas nés. Il reflétait aussi le chaos des années de famine. Les paysans mourant au bord de la route, les migrations de masse, les déportations, l’impossibilité de tenir des statistiques exactes dans les villages où tout le monde mourait de faim, y compris les officiels – tout concourait à rendre plus difficile la tâche des recenseurs. En vérité nul ne savait vraiment combien de gens étaient morts et combien vivaient, comptés ou non. Les recenseurs avaient péché par prudence.
Plutôt que d’accepter le résultat, Staline le supprima. Le régime organisa des réunions, créa des commissions d’experts. Une résolution spéciale du Comité central décréta que le recensement avait été mal organisé et peu professionnel : il représentait une « violation grossière des principes fondamentaux de la science statistique ». Selon la revue Bolchevik, le recensement avait été « perturbé par les méprisables ennemis du peuple – les espions trotskistes et boukhariniens et les traîtres à la mère patrie qui avaient infiltré la direction du Bureau central de la comptabilité économique du peuple […]. Les ennemis du peuple s’étaient donné pour objectif de fausser le chiffre réel de la population ».
La publication du recensement de 1937 fut aussitôt arrêtée. Les résultats ne devaient jamais paraître. Les statisticiens eux-mêmes en payèrent le prix. Le chef du Bureau du recensement Ivan Kraval, logé à l’époque dans la Maison sur le Quai, fut arrêté et fusillé par un peloton d’exécution en septembre. Ses plus proches collègues furent eux aussi mis à mort. La vague de répression déferla sur le Kazakhstan et l’Ukraine aussi bien que sur les provinces russes, où des centaines de responsables subalternes du recensement furent limogés, parfois même arrêtés et exécutés. La répression s’abattit non seulement sur les responsables directs, mais aussi sur les statisticiens qui avaient pu avoir accès aux chiffres originels. Mykhaïlo Avdiienko, rédacteur en chef de Statistiques soviétiques à Kyiv, fut arrêté en août et exécuté en septembre. Oleksandr Askatine, chef du département économique de l’Académie ukrainienne des sciences, connut le même sort.
En novembre, ces hommes furent remplacés par des cadres entièrement nouveaux, chacun comprenant désormais qu’il était extrêmement dangereux de produire des chiffres exacts. Un nouveau recensement fut dûment engagé. Cette fois, Staline n’attendit pas le résultat. Dès avant qu’il ait eu lieu, il cria victoire :
Sous le soleil de la Grande Révolution socialiste se produit une augmentation de la population étonnamment rapide, encore jamais vue. Une puissante industrie socialiste a donné le jour à de nouvelles professions. Des dizaines de milliers de gens, qui hier encore étaient des travailleurs non qualifiés, sont aujourd’hui devenus maîtres dans les branches de production les plus diverses. Les stakhanovistes d’hier sont aujourd’hui devenus techniciens et ingénieurs. Des millions de petits propriétaires paysans, qui menaient une vie de misère, sont devenus des fermiers collectifs prospères, créateurs des moissons socialistes […]. Le recensement de la population de l’Union doit montrer les grands changements survenus dans la vie du peuple, l’élévation du niveau culturel et matériel des masses, la meilleure qualification des ouvriers d’usine et des employés de bureau […].
Staline obtint ce qu’il avait ordonné : au dix-huitième Congrès du parti en mars 1939, avant même que le décompte ne fût terminé, il annonça en fanfare que la population soviétique avait bel et bien atteint les 170 millions.
Le moment venu, les statisticiens trouvèrent le moyen de faire correspondre les chiffres à la rhétorique. Ils truquèrent les données pour masquer le nombre élevé des prisonniers dans le nord et l’est de l’URSS – les années 1937-1939 furent une période de forte expansion du Goulag – et, bien entendu, cacher les ravages de la famine. Les formulaires de recensement de plus de 350 000 personnes domiciliées ailleurs furent assignés à l’Ukraine ; 375 000 autres âmes mortes furent attribuées au Kazakhstan. Outre l’altération des chiffres généraux, les recenseurs effacèrent des petits groupes ethniques et nationaux et modifièrent l’équilibre de la population dans des régions ethniquement divisées afin de se conformer à la politique soviétique. Et surtout ils augmentèrent la population d’au moins 1 %. Des décennies durant, le recensement de 1939 fut présenté en modèle de recherche statistique.
Avec la publication du recensement de 1939, la grande famine disparut non seulement de la presse mais aussi de la démographie, de la vie politique et de la bureaucratie soviétiques. L’État soviétique ne tint jamais la liste des victimes, de leur vie ou de leur mort. Aussi longtemps qu’il exista, il n’accepta jamais qu’ils fussent morts.
La violence, la répression et la falsification du recensement réussirent à étouffer toute discussion sur la famine en URSS. Mais le maquillage de la famine à l’étranger exigeait une tactique différente. Hors de l’Union soviétique, il n’était pas si facile de contrôler l’information, qui traversait les frontières comme les hommes. En mai 1933, un journal ukrainien de Lviv (alors ville polonaise) publia un article dénonçant la famine comme une attaque contre le mouvement national ukrainien :
La rive est du Zbroutch [la frontière] ressemble désormais à un véritable camp militaire qu’il est difficile à un citoyen de franchir même de nuit, comme en temps de guerre. Nous en sommes informés par des réfugiés qui ont dernièrement réussi à traverser à gué […]. Ils sont arrivés comme des squelettes vivants parce que la famine y est terrible. On tue même les chiens, et les esclaves actuels des fermes collectives sont nourris de viande de chien, car dans l’Ukraine fertile on n’a droit ni au pain ni aux pommes de terre.
D’autres nouvelles arrivèrent par des officiels et des consuls franchissant légalement la frontière mais aussi par des lettres expédiées des ports, envoyées par des voyageurs ou échappant à la censure. Des Allemands de souche écrivirent à des particuliers aux États-Unis et en Allemagne, tantôt à des parents, tantôt aux dirigeants inconnus de leurs communautés religieuses : « Chers pères et frères de la lointaine Allemagne, supplique venant de Russie, de moi qui porte un nom allemand […]. J’en appelle à vos conseils et à votre aide pour vous dire ce qu’il y a dans mon cœur affligé. » Des lettres parvinrent aussi au Canada.
Ces courriers eurent un impact, tout comme les rares réfugiés. En pleine famine, des Ukrainiens de l’étranger se mirent à protester, de manière pacifique ou autre. Des hommes politiques d’origine ukrainienne évoquèrent la famine dans les sessions du Parlement polonais et la décrivirent dans la presse de langue ukrainienne. En octobre 1933, Mykola Lemyk, membre d’une organisation nationaliste ukrainienne en Pologne, assassina le secrétaire du consul soviétique de Lviv. Au cours de son procès, devant un tribunal polonais, Lemyk, qui avait espéré tuer le consul lui-même, expliqua avoir voulu se venger de la famine. À la fin du mois, la communauté ukrainienne de Pologne essaya d’organiser une manifestation de masse afin de protester contre la famine : craignant de nouvelles violences, les autorités polonaises y mirent le holà.
À la même époque, à l’autre bout du monde, le Conseil national ukrainien, formé en mai 1933, organisa des manifestations dans les rues de Winnipeg, au Canada, et adressa au président Roosevelt une lettre accompagnée d’un récit de la famine par un témoin oculaire. Lors d’une réunion à l’église ukrainienne de Winnipeg, les dirigeants de la diaspora lurent des lettres reçues d’Ukraine exhortant l’opinion à aider leur pays à « rompre » avec l’URSS. À Bruxelles, Prague, Bucarest, Genève, Paris, Londres et Sofia, notamment, des Ukrainiens créèrent des comités d’action qui essayèrent, sans beaucoup de chance, de faire connaître la famine et d’acheminer de l’aide aux affamés.
Extrait du livre d’Anne Applebaum, "Famine rouge : la guerre de Staline en Ukraine", publié aux éditions Grasset.
Holodomor : comment la grande famine en Ukraine a été passée sous silence lors du règne de Staline
Le livre d’Anne Applebaum, "Famine rouge : la guerre de Staline en Ukraine", est publié en France aux éditions Grasset. La famine meurtrière qui frappa l’Ukraine au début des années 30 reste un des chapitres les moins explorés de l’histoire soviétique. Anne Applebaum répare enfin cette injustice par un livre qui fera date. Extrait 1/2.
Avec Anne Applebaum
En 1933, on savait en ville que les villages se mouraient. Les dirigeants et cadres du Parti communiste ou du gouvernement le savaient aussi. Chacun en avait les preuves sous les yeux : les paysans dans les gares, les rapports venant de la campagne, les scènes dans les cimetières et les morgues. Que les dirigeants soviétiques l’aient su ne fait aucun doute. En mars 1933, Kossior adressa à Staline une lettre où il parlait explicitement de la faim – les provinces de l’Ukraine imploraient l’aide du Comité central – et prévoyait le pire, observant que « même la famine n’a pas inculqué le bon sens aux paysans », encore trop lents dans leurs semailles du printemps. En avril, il écrivit de nouveau, notant le grand nombre de gens qui rejoignaient désormais les fermes collectives : « La famine, qui a touché en premier lieu les paysans indépendants, a joué un grand rôle. »
Dans le monde soviétique officiel, cependant, la famine ukrainienne, ou plus généralement soviétique, n’existait pas. Elle n’existait ni dans la presse ni dans les discours publics. Les dirigeants nationaux et locaux n’en parlaient pas et ne devaient jamais l’évoquer. Alors que la famine de 1921 avait suscité un appel solennel, largement entendu, à l’aide internationale, celle de 1933 fit l’objet d’un déni total, tant en Union soviétique qu’à l’étranger : il n’y avait pas réellement de pénurie alimentaire. L’objectif était de faire disparaître la famine, comme si elle n’avait jamais existé. En ces temps qui ignoraient la télévision et l’Internet, avant l’ouverture des frontières et les voyages, c’était plus facile d’y parvenir que ça ne le serait au XXIe siècle. Même en 1933, cependant, le camouflage nécessita un effort extraordinaire de la part de nombreuses personnes au fil de longues années.
La négation organisée de la famine commença très tôt, avant même que le pire ne se fût produit. D’emblée, ses inspirateurs poursuivirent un certain nombre d’objectifs. En URSS même, le camouflage n’était que partiellement destiné à duper la population, ou tout au moins ceux qui n’avaient pas une connaissance directe de la famine, même s’il n’y réussit probablement pas. Les rumeurs se révélèrent incontrôlables et circulèrent – Staline le savait très bien – jusque dans les familles de l’élite bolchevique. En revanche, les lettres de protestation, très souvent envoyées par toutes sortes de gens – paysans, officiels, bureaucrates – dans les années menant à la famine cessèrent bientôt. On trouve en Union soviétique des preuves anecdotiques d’un effort pour surveiller les courriers qui arrivaient à l’Armée rouge. Le frère de Maria Bondarenko, qui servait dans le Caucase, raconta à sa sœur qu’aucun des soldats ukrainiens ne reçut de courrier des siens en 1933. Des membres de son unité finirent par retrouver les lettres retenues. C’est alors seulement qu’ils surent la vérité sur le sort de leurs familles. D’autres soldats ne reçurent jamais aucune lettre des leurs en 1932 ou 1933 – comme si leur famille avait subitement disparu, se rappelaient certains.
Le discours public fit l’objet d’efforts plus intenses encore. Survivant de la famine, un soldat de l’Armée rouge ukrainienne fut appelé en 1934. Au cours d’une classe d’« instruction politique » que tous les soldats devaient suivre, il posa une question sur la famine au professeur, qui lui répondit sèchement : « Il n’y a pas eu de famine, et il ne saurait y en avoir ; tu feras dix jours au mitard si tu continues de parler comme ça. » Quant aux étudiants et ouvriers envoyés à la campagne pour aider à rentrer la moisson de 1933, on leur rappela souvent sèchement de ne pas parler de ce qu’ils avaient vu. Par peur, beaucoup obéirent. On nous a dit de nous « coudre la bouche », rapporte l’une d’elles. Tout le monde comprenait le code du silence :
Au travail, personne ne parlait de la famine ni des corps dans les rues, comme si nous trempions tous dans une conspiration du silence. Nous ne parlions des terribles nouvelles des villages qu’avec nos amis les plus proches et les plus sûrs […]. Les rumeurs se trouvèrent confirmées quand, ordre leur ayant été donné d’aller dans les campagnes aider aux moissons, les citadins virent eux-mêmes d’où venaient les squelettes vivants qui hantaient les rues de nos villes.
Le tabou frappant toute évocation de la famine en public concernait aussi le personnel médical. Médecins et infirmières se souviennent qu’on leur demanda d’« inventer quelque chose » pour les certificats de décès ou d’imputer tous les cas de famine à des « maladies infectieuses » ou des « arrêts cardiaques ».
La peur gagna même la correspondance entre officiels. En mars, dans une lettre au Comité central du Parti communiste ukrainien, le secrétaire du gouvernement local de Dnipropetrovsk déplora que les nombreux cas de famine, de corps gonflés et de morts de faim ne fassent l’objet d’aucune attention officielle parce que les responsables des échelons inférieurs omettaient de les rapporter : « On estimait que c’était être antiparti, qu’il était même répréhensible d’y réagir. » Dans un cas, le secrétaire villageois du parti dont le corps avait gonflé sous l’effet de la faim négligea de rapporter quoi que ce soit tant il avait peur de la censure.
L’urgence passant, la vigilance officielle s’étendit aux archivistes. En avril 1934, la direction provinciale d’Odessa adressa une note à tous les comités locaux du parti, pour les avertir de la « manière criminellement scandaleuse » dont les naissances et les décès étaient enregistrés : « Dans un certain nombre de conseils de village, ce travail est en fait entre les mains d’ennemis de classe : koulaks, séides de Petlioura, déportés spéciaux, etc. » Soi-disant pour renforcer la surveillance, les chefs d’Odessa retirèrent à tous lesdits conseils les registres de décès de 1933, « sans exception », mais aussi de 1932, dans certaines régions. Il existe des ordres analogues pour la province de Kharkiv, où les autorités exigèrent tous les registres de décès de novembre 1932 à la fin de l’année 1933, au prétexte qu’ils se trouvaient entre les mains d’« éléments de classe hostiles », comme les koulaks, les petliouristes et les déportés spéciaux.
En réalité, les deux types de documents se conformaient à une formule identique, résultant probablement d’un ordre des autorités ukrainiennes visant à détruire les preuves de la famine. Même si les chiffres de la mortalité établis aux niveaux provincial et national restèrent dans les archives des statistiques, au niveau du village les dossiers furent souvent détruits. Des témoins des provinces de Jytomyr et Tchernihiv ont raconté la disparition des registres de décès de leurs villages en 1933-1934. À Vinnytsia, observe Stepan Podolian, on avait demandé à son père de brûler les registres du village et de les réécrire en éliminant toute allusion à la faim.
Aux plus hauts échelons, le maquillage devint une forme de discipline du parti, un moyen de contrôler les cadres, et même d’éprouver leur loyauté. Afin de prouver leur dévouement, les membres du parti devaient accepter et endosser les mensonges officiels. Roman Terekhov, un des chefs du parti à Kharkiv, osa employer le mot « famine » en présence de Staline et en public au cours de l’automne 1932. La réponse du dirigeant soviétique fut cinglante : « Tu racontes ces salades en imaginant que tu vas nous intimider, mais ça ne prendra pas ! Va donc à l’Union des écrivains écrire des contes de fées pour les idiots. » Deux semaines plus tard, Terekhov perdait son poste.
On trouve un écho de cet incident dans les discours de la Conférence du parti, l’année suivante. Beaucoup de communistes ukrainiens devaient parler de « problèmes » ou de « difficultés », très rarement de « famine ». Bien entendu, ils savaient ce qui se passait mais, pour survivre, ils devaient observer les tabous du Kremlin. En privé, les lettres de Kossior à Staline le prouvent, on continuait d’employer le mot. Même s’il n’existe aucune trace écrite d’un ordre interdisant d’utiliser le mot « famine » en public, on est frappé de voir combien son usage était rare. Les officiels soviétiques utilisaient plutôt des euphémismes. Quand un consul japonais en poste à Odessa s’enquit de la réalité de la famine, par exemple, on lui répondit qu’il y avait des « pénuries de vivres, pas de famine ».
Les victimes étaient plus difficiles à bannir. Après l’inhumation des corps dans des fosses communes anonymes et la modification des registres de décès, restait le problème des statistiques soviétiques. En 1937, le Bureau du recensement entreprit de dénombrer la population : tâche immense que la nécessité de coordonner la planification centrale rendait urgente. Alors même que s’engageait cette opération complexe – des millions de gens devaient remplir des formulaires –, la direction soviétique s’inquiéta du résultat possible. « Pas un seul chiffre du recensement ne saurait être publié », annonça-t-on aux employés des services statistiques locaux en décembre 1936. Il ne devait pas y avoir non plus de « traitement préliminaire des matériaux bruts ».
Le résultat final du recensement de 1937 n’en fut pas moins un choix. La presse avait anticipé en laissant croire à un essor démographique, « signe de la forte amélioration du niveau de vie de nos ouvriers » après « dix années de lutte héroïque pour le socialisme ». Ne voulant pas être accusés d’envoyer un message négatif, les statisticiens avaient eux aussi adressé des rapports réguliers en ce sens. Un rapport préliminaire laissa prudemment entendre que le niveau de la population pouvait bien se révéler inférieur à ce qui était prévu en Ukraine, au Caucase du Nord et dans la région de la Volga – « où la résistance des koulaks à la collectivisation fut particulièrement déterminée et âpre » –, mais il ne s’étendit guère. Globalement, les projections étaient optimistes. En 1934, les responsables du recensement estimèrent la population de l’URSS à 168 millions d’habitants. En 1937, ils l’évaluaient à 170, voire 172 millions. Quand les vrais chiffres finirent par tomber, ils étaient très différents.
L’URSS comptait en fait 162 millions d’habitants, soit un « manque » de 8 millions pour ceux qui s’attendaient à 170 millions. Ce chiffre approximatif comprenait les victimes de la famine et leurs enfants qui n’étaient pas nés. Il reflétait aussi le chaos des années de famine. Les paysans mourant au bord de la route, les migrations de masse, les déportations, l’impossibilité de tenir des statistiques exactes dans les villages où tout le monde mourait de faim, y compris les officiels – tout concourait à rendre plus difficile la tâche des recenseurs. En vérité nul ne savait vraiment combien de gens étaient morts et combien vivaient, comptés ou non. Les recenseurs avaient péché par prudence.
Plutôt que d’accepter le résultat, Staline le supprima. Le régime organisa des réunions, créa des commissions d’experts. Une résolution spéciale du Comité central décréta que le recensement avait été mal organisé et peu professionnel : il représentait une « violation grossière des principes fondamentaux de la science statistique ». Selon la revue Bolchevik, le recensement avait été « perturbé par les méprisables ennemis du peuple – les espions trotskistes et boukhariniens et les traîtres à la mère patrie qui avaient infiltré la direction du Bureau central de la comptabilité économique du peuple […]. Les ennemis du peuple s’étaient donné pour objectif de fausser le chiffre réel de la population ».
La publication du recensement de 1937 fut aussitôt arrêtée. Les résultats ne devaient jamais paraître. Les statisticiens eux-mêmes en payèrent le prix. Le chef du Bureau du recensement Ivan Kraval, logé à l’époque dans la Maison sur le Quai, fut arrêté et fusillé par un peloton d’exécution en septembre. Ses plus proches collègues furent eux aussi mis à mort. La vague de répression déferla sur le Kazakhstan et l’Ukraine aussi bien que sur les provinces russes, où des centaines de responsables subalternes du recensement furent limogés, parfois même arrêtés et exécutés. La répression s’abattit non seulement sur les responsables directs, mais aussi sur les statisticiens qui avaient pu avoir accès aux chiffres originels. Mykhaïlo Avdiienko, rédacteur en chef de Statistiques soviétiques à Kyiv, fut arrêté en août et exécuté en septembre. Oleksandr Askatine, chef du département économique de l’Académie ukrainienne des sciences, connut le même sort.
En novembre, ces hommes furent remplacés par des cadres entièrement nouveaux, chacun comprenant désormais qu’il était extrêmement dangereux de produire des chiffres exacts. Un nouveau recensement fut dûment engagé. Cette fois, Staline n’attendit pas le résultat. Dès avant qu’il ait eu lieu, il cria victoire :
Sous le soleil de la Grande Révolution socialiste se produit une augmentation de la population étonnamment rapide, encore jamais vue. Une puissante industrie socialiste a donné le jour à de nouvelles professions. Des dizaines de milliers de gens, qui hier encore étaient des travailleurs non qualifiés, sont aujourd’hui devenus maîtres dans les branches de production les plus diverses. Les stakhanovistes d’hier sont aujourd’hui devenus techniciens et ingénieurs. Des millions de petits propriétaires paysans, qui menaient une vie de misère, sont devenus des fermiers collectifs prospères, créateurs des moissons socialistes […]. Le recensement de la population de l’Union doit montrer les grands changements survenus dans la vie du peuple, l’élévation du niveau culturel et matériel des masses, la meilleure qualification des ouvriers d’usine et des employés de bureau […].
Staline obtint ce qu’il avait ordonné : au dix-huitième Congrès du parti en mars 1939, avant même que le décompte ne fût terminé, il annonça en fanfare que la population soviétique avait bel et bien atteint les 170 millions.
Le moment venu, les statisticiens trouvèrent le moyen de faire correspondre les chiffres à la rhétorique. Ils truquèrent les données pour masquer le nombre élevé des prisonniers dans le nord et l’est de l’URSS – les années 1937-1939 furent une période de forte expansion du Goulag – et, bien entendu, cacher les ravages de la famine. Les formulaires de recensement de plus de 350 000 personnes domiciliées ailleurs furent assignés à l’Ukraine ; 375 000 autres âmes mortes furent attribuées au Kazakhstan. Outre l’altération des chiffres généraux, les recenseurs effacèrent des petits groupes ethniques et nationaux et modifièrent l’équilibre de la population dans des régions ethniquement divisées afin de se conformer à la politique soviétique. Et surtout ils augmentèrent la population d’au moins 1 %. Des décennies durant, le recensement de 1939 fut présenté en modèle de recherche statistique.
Avec la publication du recensement de 1939, la grande famine disparut non seulement de la presse mais aussi de la démographie, de la vie politique et de la bureaucratie soviétiques. L’État soviétique ne tint jamais la liste des victimes, de leur vie ou de leur mort. Aussi longtemps qu’il exista, il n’accepta jamais qu’ils fussent morts.
La violence, la répression et la falsification du recensement réussirent à étouffer toute discussion sur la famine en URSS. Mais le maquillage de la famine à l’étranger exigeait une tactique différente. Hors de l’Union soviétique, il n’était pas si facile de contrôler l’information, qui traversait les frontières comme les hommes. En mai 1933, un journal ukrainien de Lviv (alors ville polonaise) publia un article dénonçant la famine comme une attaque contre le mouvement national ukrainien :
La rive est du Zbroutch [la frontière] ressemble désormais à un véritable camp militaire qu’il est difficile à un citoyen de franchir même de nuit, comme en temps de guerre. Nous en sommes informés par des réfugiés qui ont dernièrement réussi à traverser à gué […]. Ils sont arrivés comme des squelettes vivants parce que la famine y est terrible. On tue même les chiens, et les esclaves actuels des fermes collectives sont nourris de viande de chien, car dans l’Ukraine fertile on n’a droit ni au pain ni aux pommes de terre.
D’autres nouvelles arrivèrent par des officiels et des consuls franchissant légalement la frontière mais aussi par des lettres expédiées des ports, envoyées par des voyageurs ou échappant à la censure. Des Allemands de souche écrivirent à des particuliers aux États-Unis et en Allemagne, tantôt à des parents, tantôt aux dirigeants inconnus de leurs communautés religieuses : « Chers pères et frères de la lointaine Allemagne, supplique venant de Russie, de moi qui porte un nom allemand […]. J’en appelle à vos conseils et à votre aide pour vous dire ce qu’il y a dans mon cœur affligé. » Des lettres parvinrent aussi au Canada.
Ces courriers eurent un impact, tout comme les rares réfugiés. En pleine famine, des Ukrainiens de l’étranger se mirent à protester, de manière pacifique ou autre. Des hommes politiques d’origine ukrainienne évoquèrent la famine dans les sessions du Parlement polonais et la décrivirent dans la presse de langue ukrainienne. En octobre 1933, Mykola Lemyk, membre d’une organisation nationaliste ukrainienne en Pologne, assassina le secrétaire du consul soviétique de Lviv. Au cours de son procès, devant un tribunal polonais, Lemyk, qui avait espéré tuer le consul lui-même, expliqua avoir voulu se venger de la famine. À la fin du mois, la communauté ukrainienne de Pologne essaya d’organiser une manifestation de masse afin de protester contre la famine : craignant de nouvelles violences, les autorités polonaises y mirent le holà.
À la même époque, à l’autre bout du monde, le Conseil national ukrainien, formé en mai 1933, organisa des manifestations dans les rues de Winnipeg, au Canada, et adressa au président Roosevelt une lettre accompagnée d’un récit de la famine par un témoin oculaire. Lors d’une réunion à l’église ukrainienne de Winnipeg, les dirigeants de la diaspora lurent des lettres reçues d’Ukraine exhortant l’opinion à aider leur pays à « rompre » avec l’URSS. À Bruxelles, Prague, Bucarest, Genève, Paris, Londres et Sofia, notamment, des Ukrainiens créèrent des comités d’action qui essayèrent, sans beaucoup de chance, de faire connaître la famine et d’acheminer de l’aide aux affamés.
Extrait du livre d’Anne Applebaum, "Famine rouge : la guerre de Staline en Ukraine", publié aux éditions Grasset.
Caduce62- Messages : 15238
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Re: Holodomor
Commémoration 86e Anniversaire du Holodomor – génocide 1932-1933
Organisé par Centre Culturel d'Ukraine en France et Anniversary Chorus
Dimanche 17 novembre 2019 de 10:30 à 16:30
Arc de Triomphe
Place Charles de Gaulle, 75006 Paris
Détails
Commémoration 86e Anniversaire du Holodomor – génocide 1932-1933
Sous le Haut patronage de S.E.M. Oleh Shamshur, Ambassadeur d’Ukraine en France
10h30 Rassemblement Métro Charles de Gaulle Etoile (sortie Champs Elysées), formation du cortège
11h00 Cérémonie du dépôt de gerbes sous l’Arc de Triomphe, en présence des porte-drapeaux nationaux, Hymnes ukrainien et français exécutés par le Chœur Saint Volodymyr le Grand de Paris et le Chœur ukrainien de Londres «Anniversary Chorus»
13h30 Départ de la Marche silencieuse du square Taras Chevtchenko 186, bd Saint-Germain, à l’Eglise de Saint-Sulpice, 2 rue Palatine 75006 Paris.
14h30 Divine Liturgie célébré selon le rite byzantin par Mgr Hlib Lonchyna suivie d’un office œcuménique en mémoire des millions de victimes innocentes du Holodomor
Відзначення 86х роковин Голодомору – геноциду 1932-1933 рр.
Під Високим патронатом Його Високоповажності пана Олега Шамшура, Посла України у Франції
10.30 Збір біля Метро Charles de Gaulle Etoile, формування кортежу
11.00 Церемонія покладання квітів під Тріумфальною аркою у присутності прапороносців, виконання Державних Гімнів України та Франції Хором Святого Володимира Великого, м.Париж, та українського хору з Лондона «Anniversary Chorus»
13.30 Початок Мовчазної ходи від скверу Тараса Шевченка, 186, bd Saint-Germain, до собору Сен-Сульпіс, 2 rue Palatine 75006 Paris
14.30 Свята Літургія за візантійським обрядом, яку служитиме владика Гліб Лончина, екуменічна панахида за невинні жертви Голодомору
Organisé par Centre Culturel d'Ukraine en France et Anniversary Chorus
Dimanche 17 novembre 2019 de 10:30 à 16:30
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Sous le Haut patronage de S.E.M. Oleh Shamshur, Ambassadeur d’Ukraine en France
10h30 Rassemblement Métro Charles de Gaulle Etoile (sortie Champs Elysées), formation du cortège
11h00 Cérémonie du dépôt de gerbes sous l’Arc de Triomphe, en présence des porte-drapeaux nationaux, Hymnes ukrainien et français exécutés par le Chœur Saint Volodymyr le Grand de Paris et le Chœur ukrainien de Londres «Anniversary Chorus»
13h30 Départ de la Marche silencieuse du square Taras Chevtchenko 186, bd Saint-Germain, à l’Eglise de Saint-Sulpice, 2 rue Palatine 75006 Paris.
14h30 Divine Liturgie célébré selon le rite byzantin par Mgr Hlib Lonchyna suivie d’un office œcuménique en mémoire des millions de victimes innocentes du Holodomor
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10.30 Збір біля Метро Charles de Gaulle Etoile, формування кортежу
11.00 Церемонія покладання квітів під Тріумфальною аркою у присутності прапороносців, виконання Державних Гімнів України та Франції Хором Святого Володимира Великого, м.Париж, та українського хору з Лондона «Anniversary Chorus»
13.30 Початок Мовчазної ходи від скверу Тараса Шевченка, 186, bd Saint-Germain, до собору Сен-Сульпіс, 2 rue Palatine 75006 Paris
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Caduce62- Messages : 15238
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Re: Holodomor
Comment un simple court-métrage animé peut rendre encore plus sensible à la tristesse infinie de ce désastre historique que de savants commentaires...
Голодний Дух - День пам'яті жертв Голодомору
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Caduce62- Messages : 15238
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Re: Holodomor
[size=55]Un ingénieur autrichien capture l'horreur de l'Holodomor en 1932-1933[/size]
«Cadavre d'un homme affamé gisant dans la rue» (légende de Wienerberger). Centre-ville, Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
27/11/2019
Article par: Dmytro Dzhulay
Les autorités soviétiques ont systématiquement saisi et détruit toute preuve visuelle ou sonore de l'Holodomor. Seuls quelques individus remarquables, tels que l'ingénieur autrichien Alexander Wienerberger , ont réussi à prendre secrètement de telles photos et à les conserver. Wienerberger a travaillé à l'usine de plastmas de Kharkiv en 1932 et 1933. Ses photographies illustrent les conséquences de la famine horrible provoquée par l'homme imposée par Staline dans toute l'Ukraine, en particulier à Kharkiv, qui était alors la capitale de l'Ukraine. Radio Liberty présente des photos et du matériel peu connus fournis par Samara Pearce, l'arrière-petite-fille de l'ingénieur. Les extraits ci-dessous sont extraits des mémoires personnelles d'Alexander Wienerberger - Hart auf hart. 15 Jahre Ingenieur à Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939 - (Hard Times. 15 ans comme ingénieur en Russie soviétique. Rapport factuel, Salzbourg, 1939). Trois chapitres du livre de Wienerberger sont consacrés à l'Holodomor en Ukraine.
Alexander Wienerberger - Ingénieur chimiste autrichien qui a secrètement capturé l'Holodomor en photos, à Kharkiv, en Ukraine. Photo: gracieuseté de son arrière-petite-fille, Samara Pearce[size]
- C'était en septembre (1932-Ed) . J'étais assis dans la voiture-lits du train express Moscou-Kharkiv qui m'emmenait à mon nouveau travail. […] Le jour, la terre sombre et souffrante semblait encore plus effrayante que la nuit. À chaque gare, j'ai vu d'innombrables wagons chargés de paysans et de leurs familles. Ils étaient gardés par des sentinelles puis rassemblés en compartiments pour faire face à la Peste Blanche plus au nord. Les champs sont restés incultes, les grains pourrissent sous la pluie d'automne. […] Je n'ai vu ni bétail ni oies. Seuls quelques poussins bien nourris se sont regroupés près des maisons abandonnées. Malgré moi, je me suis rappelé comment, il y a 17 ans, moi, prisonnier de guerre, j'avais voyagé dans la même région, passant devant des champs de blé, des troupeaux de bétail et savourant des tonnes de nourriture offerte dans chaque station. Même en 1926, après la guerre mondiale dévastatrice et la guerre civile, ces terres ont prospéré. À quel point cette autorité suprême devrait être inhumaine pour transformer un pays aussi florissant et luxuriant en une telle désolation et ruine. […]
- Il y a eu de plus en plus de victimes. En hiver (1933-Ed) , des corps de jeunes enfants, principalement des enfants d'âge scolaire, ont été trouvés dans des endroits reculés et des puits locaux. Des gangs de rue ont tué ces pauvres misérables pour vendre leurs vêtements sur les marchés locaux.
- Une femme a enterré son enfant mort dans un cimetière. L'enfant serrait une petite poupée contre sa poitrine. Ils ont été enterrés ensemble. Deux semaines plus tard, la femme a vu la poupée sur le marché local. Elle a appelé la police et tout le monde a appris l'horrible histoire. Pendant des mois, le gardien du cimetière avait nourri ses cochons avec des cadavres. Il y avait une grande demande pour sa viande de porc. […]
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«Mère avec des enfants affamés» (légende de Wienerberger). Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce. Publié pour la première fois dans le Livre de la mémoire nationale des victimes de l'Holodomor, Oblast de Kharkiv, Kharkiv, 2018[size]
- Les journaux soviétiques intimident les gens depuis mars 1933: quiconque envisage de «saboter» une ferme collective encourt de terribles sanctions. La presse ne cesse de répéter que même si l'ennemi ne se rend pas, il sera détruit. Début avril, les autorités soviétiques ont promis aux paysans ukrainiens que leurs proches, exilés en Sibérie et dans le nord de la Russie, seraient graciés s’ils cédaient leurs champs. Les autorités ont également promis de distribuer des céréales pour les semailles.
- Certains agriculteurs naïfs se sont fait prendre. Ils ont commencé à cultiver les champs et ont ainsi exposé leurs réserves de céréales. Bien sûr, ils n'ont reçu aucune graine. Une armée entière d'employés du SPD (Direction politique d'État - service de renseignement et police secrète de la RSFSR, prédécesseur du NKVD-Ed) a inondé les villages. Faisant semblant de collecter les impôts des années précédentes, ils ont confisqué les derniers morceaux de nourriture aux paysans affamés. Les Ukrainiens ont caché des graines et des grains dans leurs cours.
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«Jeune garçon mendiant du pain» (légende de Wienerberger). La photo a probablement été prise à Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939[size]
- Les réserves alimentaires ont été recherchées avec des baïonnettes. Lorsque les autorités soviétiques ont réalisé que les paysans affamés afflueraient vers les villes à la recherche de nourriture, elles ont cessé de vendre des billets de train pendant six mois.Les billets n'étaient disponibles que si vous présentiez une carte officielle du gouvernement. Les autorités ont également interdit aux gens d'envoyer des produits alimentaires par train ou par courrier à travers le pays afin que les habitants de la ville ne puissent pas aider leurs proches dans les villages.
- En mai, j'ai envoyé ma femme en Crimée pour qu'elle ne voie pas les cadavres dans les rues. Mais, un jour, j'ai reçu des nouvelles alarmantes - son sanatorium manquait de nourriture. J'ai récupéré des colis et des conserves à envoyer en Crimée. Le bureau de poste de Kharkiv a refusé d'accepter le colis en raison du blocus alimentaire. Mais, ils ne savaient pas à qui ils avaient affaire! Je pense que le réalisateur n'avait jamais entendu un tel langage de toute sa vie! Enfin, après 15 minutes, il a dit timidement: «S'il vous plaît, cher camarade, mettez vos affaires dans la boîte. De cette façon, nous ne pourrons pas vérifier ce qu'il y a à l'intérieur, et nous pourrons accepter votre colis en toute conscience. »
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"Crimée, comme tu es très belle!" (légende de Wienerberger). Crimée, septembre 1933. Photos: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
Photos: Alexander Wienerberger. Fête en Crimée, septembre 1933, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce[size]
- Pendant ce temps, la tragédie s'est poursuivie. Des milliers de paysans affamés sont arrivés de loin et de près dans la ville à la recherche d'aide, de pain, de travail et de plaisir. Ils se sont rassemblés dans les rues et les places, dans les jardins de la ville, les parcs et les cours. Personne ne les a chassés, mais personne n'a offert d'aide.
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«Paysans sans abri campant dans les rues et les places» (légende de Wienerberger). Périphérie de Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939[size]
- A cette époque, les rations de pain pour les habitants de la ville ont été réduites à 200 grammes. Le gouvernement a ensuite ouvert plusieurs magasins à Kharkiv où vous pouviez acheter un kilo de pain noir pour 2,5 roubles. Il y avait de longues files d'attente près de ces magasins, s'étendant parfois sur plusieurs kilomètres. Les gens devaient faire la queue à partir de 4 heures du matin pour entrer à l'intérieur le lendemain!Chaque personne a reçu un kilo de pain. Malgré le fait que l'entrée et la sortie de ces magasins étaient contrôlées par des policiers, il y avait souvent des combats sanglants dans la file d'attente, car un kilo de pain pouvait vous aider à survivre pendant un jour ou deux. […]
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«Faire la queue pour un morceau de pain noir» (légende de Wienerberger). Centre-ville, Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce. Publié pour la première fois dans le Livre de la mémoire nationale des victimes de l'Holodomor. Oblast de Kharkiv, Kharkiv, 2018[size]
- La tragédie a continué. Il y avait de plus en plus de paysans qui arrivaient dans les villes; ils ont vendu leurs vêtements, les chemises sur le dos; les combats et les querelles dans les magasins devenaient de plus en plus violents. Les prix du pain ont augmenté quotidiennement; un pain coûte jusqu'à 12 roubles par kilo sur les marchés.
- Une épidémie brutale de typhoïde et de dysenterie a éclaté dans la ville; il a détruit les pauvres corps émaciés. Des gens mouraient dans les rues. Ils étendirent les bras, gonflés de faim, suppliant l'aumône. Les hommes sont morts en premier, puis les femmes et enfin les enfants - des créatures pauvres et innocentes.
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"Faire la queue pour du pain au marché de Kharkiv en 1933. Comme pour se moquer des passants, la boutique en pension porte une grande pancarte avec une image de fruits qui ont été vendus ici." (légende de Wienerberger). La photo montre le marché de l'Annonciation (nom officiel du marché communal central) dans le centre de Kharkiv. Il illustre les pavillons en bois avec leurs panneaux de fruits et de pain. Le marché a été complètement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939
"Achetez des étrangers et notre BMW garée devant" (légende de Wienerberger). Kharkiv, 1933. La photo montre l'automobile personnelle d'Alexander Wienerberger, qu'il a achetée et apportée d'Autriche. Il est probablement stationné près du magasin de commerce panukrainien, qui a fourni des fournitures et des produits aux étrangers dans la zone industrielle de Kharkiv. C'est ici que Wienerberger a acheté des vivres et les a envoyés à sa femme, qui était en vacances dans un sanatorium de Crimée. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce[size]
- «Staline construit une pyramide de Khéops avec des crânes humains», a déclaré mon nouvel assistant d'usine, un ingénieur ukrainien avec qui j'ai parfois osé partager mes pensées.
- Un jour, j'ai dû accompagner le directeur Katz à l'usine de Khim. Près de notre usine, j'ai vu une femme allongée sur la route avec son bébé (je l'ai remarquée le matin). J'avais un pneu crevé, j'ai donc été obligé de m'arrêter juste à côté de ces malheureuses créatures. La femme était déjà morte; des poux rampaient sur elle. Le bébé gémissait de faim. J'ai regardé sans hésiter le réalisateur qui a finalement dit: "Seriez-vous assez aimable pour amener le bébé à la police?" "Volontier!" J'ai répondu, et enveloppant le bébé dans une couverture, je suis parti pour l'orphelinat. Ils n'étaient pas très contents du nouvel ajout, mais, je me suis inspiré de ce cas, et j'ai réussi à sauver des dizaines d'autres enfants malheureux d'une mort certaine.
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«Cadavre d'un homme affamé gisant dans la rue» (légende de Wienerberger). Kharkiv, 1933. Dans le coin supérieur droit de la photo, vous pouvez voir un panneau de signalisation en russe - Krynychny Lane. Il a été nommé d'après une source (puits) de l'église Saint-Panteleimon. Des maisons privées d'un étage bordaient cette rue. La rue de 140 mètres de long existe toujours dans le centre de Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce[size]
- Les autorités municipales étaient visiblement perplexes quant à ce qu'il fallait faire de tous les corps gisant partout. Moscou avait ordonné aux villes de ne pas aider les paysans affamés, mais ils n'avaient pas expliqué quoi faire avec tous les cadavres, malheureuses victimes de la peine de mort de Staline. Initialement, les corps ont été enterrés sur place, dans des jardins et des cours. Mais, de plus en plus de gens mouraient. Des camions roulaient dans les rues deux fois par jour, le soir et à l'aube, pour recueillir les «humains pourris», comme les appelait Katz, et les livrer aux charniers à la périphérie de la ville.
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«Fosses communes pour les affamés» (légende de Wienerberger). Près de Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce[size]
- Il y a sept cimetières, avec environ 250 grandes fosses dans chacun. 15 corps sont enterrés dans une seule fosse. Ajoutez des personnes qui sont enterrées quelque part en dehors des cimetières et vous verrez qu'environ 30 000 personnes - hommes, femmes et enfants - sont enterrées à Kharkiv seulement.
- Être témoin d'un tel spectacle - des corps recueillis dans la rue - ferait refroidir le sang de n'importe qui. Des enfants morts ont été arrachés à leur mère, hurlant de chagrin. Des enfants en pleurs ont été retirés des seins secs de leurs mères décédées. Les enfants criaient et gémissaient. Les vieillards tendaient leurs bras ridés et osseux, leurs yeux voilés d'horreur. Une femme, dont l'enfant mort a été enlevé de force de sa poitrine, a supplié les gardes de les enterrer ensemble. Un cruel paramédical cynique lui sourit: «Ma chère, vous serez prêt le soir. Ensuite, nous vous prendrons aussi. " […]
- Sous mes yeux, je revois le village ukrainien que j'ai visité au printemps 1933 à la recherche de caséine (une protéine laitière; la caséine est utilisée pour fabriquer des plastiques, des peintures, des colles, des fibres artificielles - NDLR) . Je suis incapable de décrire l'horreur que j'ai vue. La moitié des maisons étaient vides; des chevaux errants cueillaient des pailles sur les toits. Mais, même ces chevaux seraient bientôt tués. Il n'y avait pas de chiens, pas de chats, juste un groupe de rats rongeant les corps émaciés gisant partout. Les survivants n'avaient plus la force d'enterrer leurs morts. Le cannibalisme était monnaie courante. Il n'y a eu aucune réaction des autorités.
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«Une maison ukrainienne rurale, dont les propriétaires sont morts de faim en 1933» (légende de Wienerberger). Périphérie de Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939[size]
- Un couple a enterré leur enfant dans le jardin négligé près de leur maison. Ils n'ont pas creusé de trou profond. Bientôt, les parents sont également morts de faim. La neige a fondu et deux bras minces sont apparus, s'étirant vers le haut du sol comme pour implorer Dieu de punir les auteurs de cette tragédie indescriptible. […]
Les photos d'Alexander Wienerberger ont été fournies avec l'aimable autorisation de la propriétaire des droits d'auteur Samara Pearce.
Copies scannées des photos d'Alexander Wienerberger de Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzburg 1939 ont été fournis par la chercheuse américaine Lana Babij.
Les légendes des photos ont été fournies par le chercheur américain Lana Babij et l'historienne de Kharkiv Igor Shuyskiy.[/size]
«Cadavre d'un homme affamé gisant dans la rue» (légende de Wienerberger). Centre-ville, Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
27/11/2019
Article par: Dmytro Dzhulay
Les autorités soviétiques ont systématiquement saisi et détruit toute preuve visuelle ou sonore de l'Holodomor. Seuls quelques individus remarquables, tels que l'ingénieur autrichien Alexander Wienerberger , ont réussi à prendre secrètement de telles photos et à les conserver. Wienerberger a travaillé à l'usine de plastmas de Kharkiv en 1932 et 1933. Ses photographies illustrent les conséquences de la famine horrible provoquée par l'homme imposée par Staline dans toute l'Ukraine, en particulier à Kharkiv, qui était alors la capitale de l'Ukraine. Radio Liberty présente des photos et du matériel peu connus fournis par Samara Pearce, l'arrière-petite-fille de l'ingénieur. Les extraits ci-dessous sont extraits des mémoires personnelles d'Alexander Wienerberger - Hart auf hart. 15 Jahre Ingenieur à Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939 - (Hard Times. 15 ans comme ingénieur en Russie soviétique. Rapport factuel, Salzbourg, 1939). Trois chapitres du livre de Wienerberger sont consacrés à l'Holodomor en Ukraine.
Alexander Wienerberger - Ingénieur chimiste autrichien qui a secrètement capturé l'Holodomor en photos, à Kharkiv, en Ukraine. Photo: gracieuseté de son arrière-petite-fille, Samara Pearce
- C'était en septembre (1932-Ed) . J'étais assis dans la voiture-lits du train express Moscou-Kharkiv qui m'emmenait à mon nouveau travail. […] Le jour, la terre sombre et souffrante semblait encore plus effrayante que la nuit. À chaque gare, j'ai vu d'innombrables wagons chargés de paysans et de leurs familles. Ils étaient gardés par des sentinelles puis rassemblés en compartiments pour faire face à la Peste Blanche plus au nord. Les champs sont restés incultes, les grains pourrissent sous la pluie d'automne. […] Je n'ai vu ni bétail ni oies. Seuls quelques poussins bien nourris se sont regroupés près des maisons abandonnées. Malgré moi, je me suis rappelé comment, il y a 17 ans, moi, prisonnier de guerre, j'avais voyagé dans la même région, passant devant des champs de blé, des troupeaux de bétail et savourant des tonnes de nourriture offerte dans chaque station. Même en 1926, après la guerre mondiale dévastatrice et la guerre civile, ces terres ont prospéré. À quel point cette autorité suprême devrait être inhumaine pour transformer un pays aussi florissant et luxuriant en une telle désolation et ruine. […]
- Il y a eu de plus en plus de victimes. En hiver (1933-Ed) , des corps de jeunes enfants, principalement des enfants d'âge scolaire, ont été trouvés dans des endroits reculés et des puits locaux. Des gangs de rue ont tué ces pauvres misérables pour vendre leurs vêtements sur les marchés locaux.
- Une femme a enterré son enfant mort dans un cimetière. L'enfant serrait une petite poupée contre sa poitrine. Ils ont été enterrés ensemble. Deux semaines plus tard, la femme a vu la poupée sur le marché local. Elle a appelé la police et tout le monde a appris l'horrible histoire. Pendant des mois, le gardien du cimetière avait nourri ses cochons avec des cadavres. Il y avait une grande demande pour sa viande de porc. […]
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«Mère avec des enfants affamés» (légende de Wienerberger). Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce. Publié pour la première fois dans le Livre de la mémoire nationale des victimes de l'Holodomor, Oblast de Kharkiv, Kharkiv, 2018
- Les journaux soviétiques intimident les gens depuis mars 1933: quiconque envisage de «saboter» une ferme collective encourt de terribles sanctions. La presse ne cesse de répéter que même si l'ennemi ne se rend pas, il sera détruit. Début avril, les autorités soviétiques ont promis aux paysans ukrainiens que leurs proches, exilés en Sibérie et dans le nord de la Russie, seraient graciés s’ils cédaient leurs champs. Les autorités ont également promis de distribuer des céréales pour les semailles.
- Certains agriculteurs naïfs se sont fait prendre. Ils ont commencé à cultiver les champs et ont ainsi exposé leurs réserves de céréales. Bien sûr, ils n'ont reçu aucune graine. Une armée entière d'employés du SPD (Direction politique d'État - service de renseignement et police secrète de la RSFSR, prédécesseur du NKVD-Ed) a inondé les villages. Faisant semblant de collecter les impôts des années précédentes, ils ont confisqué les derniers morceaux de nourriture aux paysans affamés. Les Ukrainiens ont caché des graines et des grains dans leurs cours.
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«Jeune garçon mendiant du pain» (légende de Wienerberger). La photo a probablement été prise à Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939
- Les réserves alimentaires ont été recherchées avec des baïonnettes. Lorsque les autorités soviétiques ont réalisé que les paysans affamés afflueraient vers les villes à la recherche de nourriture, elles ont cessé de vendre des billets de train pendant six mois.Les billets n'étaient disponibles que si vous présentiez une carte officielle du gouvernement. Les autorités ont également interdit aux gens d'envoyer des produits alimentaires par train ou par courrier à travers le pays afin que les habitants de la ville ne puissent pas aider leurs proches dans les villages.
- En mai, j'ai envoyé ma femme en Crimée pour qu'elle ne voie pas les cadavres dans les rues. Mais, un jour, j'ai reçu des nouvelles alarmantes - son sanatorium manquait de nourriture. J'ai récupéré des colis et des conserves à envoyer en Crimée. Le bureau de poste de Kharkiv a refusé d'accepter le colis en raison du blocus alimentaire. Mais, ils ne savaient pas à qui ils avaient affaire! Je pense que le réalisateur n'avait jamais entendu un tel langage de toute sa vie! Enfin, après 15 minutes, il a dit timidement: «S'il vous plaît, cher camarade, mettez vos affaires dans la boîte. De cette façon, nous ne pourrons pas vérifier ce qu'il y a à l'intérieur, et nous pourrons accepter votre colis en toute conscience. »
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"Crimée, comme tu es très belle!" (légende de Wienerberger). Crimée, septembre 1933. Photos: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
Photos: Alexander Wienerberger. Fête en Crimée, septembre 1933, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
- Pendant ce temps, la tragédie s'est poursuivie. Des milliers de paysans affamés sont arrivés de loin et de près dans la ville à la recherche d'aide, de pain, de travail et de plaisir. Ils se sont rassemblés dans les rues et les places, dans les jardins de la ville, les parcs et les cours. Personne ne les a chassés, mais personne n'a offert d'aide.
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«Paysans sans abri campant dans les rues et les places» (légende de Wienerberger). Périphérie de Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939
- A cette époque, les rations de pain pour les habitants de la ville ont été réduites à 200 grammes. Le gouvernement a ensuite ouvert plusieurs magasins à Kharkiv où vous pouviez acheter un kilo de pain noir pour 2,5 roubles. Il y avait de longues files d'attente près de ces magasins, s'étendant parfois sur plusieurs kilomètres. Les gens devaient faire la queue à partir de 4 heures du matin pour entrer à l'intérieur le lendemain!Chaque personne a reçu un kilo de pain. Malgré le fait que l'entrée et la sortie de ces magasins étaient contrôlées par des policiers, il y avait souvent des combats sanglants dans la file d'attente, car un kilo de pain pouvait vous aider à survivre pendant un jour ou deux. […]
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«Faire la queue pour un morceau de pain noir» (légende de Wienerberger). Centre-ville, Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce. Publié pour la première fois dans le Livre de la mémoire nationale des victimes de l'Holodomor. Oblast de Kharkiv, Kharkiv, 2018
- La tragédie a continué. Il y avait de plus en plus de paysans qui arrivaient dans les villes; ils ont vendu leurs vêtements, les chemises sur le dos; les combats et les querelles dans les magasins devenaient de plus en plus violents. Les prix du pain ont augmenté quotidiennement; un pain coûte jusqu'à 12 roubles par kilo sur les marchés.
- Une épidémie brutale de typhoïde et de dysenterie a éclaté dans la ville; il a détruit les pauvres corps émaciés. Des gens mouraient dans les rues. Ils étendirent les bras, gonflés de faim, suppliant l'aumône. Les hommes sont morts en premier, puis les femmes et enfin les enfants - des créatures pauvres et innocentes.
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"Faire la queue pour du pain au marché de Kharkiv en 1933. Comme pour se moquer des passants, la boutique en pension porte une grande pancarte avec une image de fruits qui ont été vendus ici." (légende de Wienerberger). La photo montre le marché de l'Annonciation (nom officiel du marché communal central) dans le centre de Kharkiv. Il illustre les pavillons en bois avec leurs panneaux de fruits et de pain. Le marché a été complètement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939
"Achetez des étrangers et notre BMW garée devant" (légende de Wienerberger). Kharkiv, 1933. La photo montre l'automobile personnelle d'Alexander Wienerberger, qu'il a achetée et apportée d'Autriche. Il est probablement stationné près du magasin de commerce panukrainien, qui a fourni des fournitures et des produits aux étrangers dans la zone industrielle de Kharkiv. C'est ici que Wienerberger a acheté des vivres et les a envoyés à sa femme, qui était en vacances dans un sanatorium de Crimée. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
- «Staline construit une pyramide de Khéops avec des crânes humains», a déclaré mon nouvel assistant d'usine, un ingénieur ukrainien avec qui j'ai parfois osé partager mes pensées.
- Un jour, j'ai dû accompagner le directeur Katz à l'usine de Khim. Près de notre usine, j'ai vu une femme allongée sur la route avec son bébé (je l'ai remarquée le matin). J'avais un pneu crevé, j'ai donc été obligé de m'arrêter juste à côté de ces malheureuses créatures. La femme était déjà morte; des poux rampaient sur elle. Le bébé gémissait de faim. J'ai regardé sans hésiter le réalisateur qui a finalement dit: "Seriez-vous assez aimable pour amener le bébé à la police?" "Volontier!" J'ai répondu, et enveloppant le bébé dans une couverture, je suis parti pour l'orphelinat. Ils n'étaient pas très contents du nouvel ajout, mais, je me suis inspiré de ce cas, et j'ai réussi à sauver des dizaines d'autres enfants malheureux d'une mort certaine.
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«Cadavre d'un homme affamé gisant dans la rue» (légende de Wienerberger). Kharkiv, 1933. Dans le coin supérieur droit de la photo, vous pouvez voir un panneau de signalisation en russe - Krynychny Lane. Il a été nommé d'après une source (puits) de l'église Saint-Panteleimon. Des maisons privées d'un étage bordaient cette rue. La rue de 140 mètres de long existe toujours dans le centre de Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
- Les autorités municipales étaient visiblement perplexes quant à ce qu'il fallait faire de tous les corps gisant partout. Moscou avait ordonné aux villes de ne pas aider les paysans affamés, mais ils n'avaient pas expliqué quoi faire avec tous les cadavres, malheureuses victimes de la peine de mort de Staline. Initialement, les corps ont été enterrés sur place, dans des jardins et des cours. Mais, de plus en plus de gens mouraient. Des camions roulaient dans les rues deux fois par jour, le soir et à l'aube, pour recueillir les «humains pourris», comme les appelait Katz, et les livrer aux charniers à la périphérie de la ville.
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«Fosses communes pour les affamés» (légende de Wienerberger). Près de Kharkiv, 1933. Photo: Alexander Wienerberger, première publication. Avec l'aimable autorisation de Samara Pearce
- Il y a sept cimetières, avec environ 250 grandes fosses dans chacun. 15 corps sont enterrés dans une seule fosse. Ajoutez des personnes qui sont enterrées quelque part en dehors des cimetières et vous verrez qu'environ 30 000 personnes - hommes, femmes et enfants - sont enterrées à Kharkiv seulement.
- Être témoin d'un tel spectacle - des corps recueillis dans la rue - ferait refroidir le sang de n'importe qui. Des enfants morts ont été arrachés à leur mère, hurlant de chagrin. Des enfants en pleurs ont été retirés des seins secs de leurs mères décédées. Les enfants criaient et gémissaient. Les vieillards tendaient leurs bras ridés et osseux, leurs yeux voilés d'horreur. Une femme, dont l'enfant mort a été enlevé de force de sa poitrine, a supplié les gardes de les enterrer ensemble. Un cruel paramédical cynique lui sourit: «Ma chère, vous serez prêt le soir. Ensuite, nous vous prendrons aussi. " […]
- Sous mes yeux, je revois le village ukrainien que j'ai visité au printemps 1933 à la recherche de caséine (une protéine laitière; la caséine est utilisée pour fabriquer des plastiques, des peintures, des colles, des fibres artificielles - NDLR) . Je suis incapable de décrire l'horreur que j'ai vue. La moitié des maisons étaient vides; des chevaux errants cueillaient des pailles sur les toits. Mais, même ces chevaux seraient bientôt tués. Il n'y avait pas de chiens, pas de chats, juste un groupe de rats rongeant les corps émaciés gisant partout. Les survivants n'avaient plus la force d'enterrer leurs morts. Le cannibalisme était monnaie courante. Il n'y a eu aucune réaction des autorités.
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«Une maison ukrainienne rurale, dont les propriétaires sont morts de faim en 1933» (légende de Wienerberger). Périphérie de Kharkiv. Photo: Alexander Wienerberger, Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzbourg 1939
- Un couple a enterré leur enfant dans le jardin négligé près de leur maison. Ils n'ont pas creusé de trou profond. Bientôt, les parents sont également morts de faim. La neige a fondu et deux bras minces sont apparus, s'étirant vers le haut du sol comme pour implorer Dieu de punir les auteurs de cette tragédie indescriptible. […]
Les photos d'Alexander Wienerberger ont été fournies avec l'aimable autorisation de la propriétaire des droits d'auteur Samara Pearce.
Copies scannées des photos d'Alexander Wienerberger de Hart auf Hart. 15 Jahre Ingenieur et Sowjetrußland. Ein Tatsachenbericht, Salzburg 1939 ont été fournis par la chercheuse américaine Lana Babij.
Les légendes des photos ont été fournies par le chercheur américain Lana Babij et l'historienne de Kharkiv Igor Shuyskiy.[/size]
Caduce62- Messages : 15238
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Re: Holodomor
RFI.fr
L'Ukraine commémore les 90 ans de l'Holodomor, la grande famine causée par Staline.
Ukraine commémore samedi 26 novembre l’Holodomor, la grande famine de 1932-1933 provoquée par le régime stalinien. Selon les historiens, 15% de la population ukrainienne est morte durant cet épisode marquant en Ukraine et qui a acquis une résonance toute particulière depuis l'invasion russe.
Entre 3 et 6 millions de personnes auraient été victimes de cette grande famine organisée par le régime stalinien dans le sud de l'Empire soviétique, du Kazakhstan à l’Ukraine, en passant par la Russie et les régions cosaques.
En Ukraine, cette famine a été baptisée « Holodomor », qui signifie littéralement extermination par la faim. Depuis plusieurs années, Kiev fait campagne pour que l'Holodomor soit reconnu comme un génocide. Et cette année, cet épisode tragique résonne douloureusement depuis l'invasion russe.
Mais l'Empire soviétique et la Russie sont deux réalités différentes, rappelle l'historien Éric Aunoble, spécialiste de l'Ukraine et du communisme à l'université de Genève, interrogé par Juliette Gheerbrant du service international de RFI. « C’est un terme apparu dans la diaspora ukrainienne en Amérique du Nord dans les années 1970-80, et qui est assez marqué par les débats de l’époque sous la présidence de Ronald Reagan, avec la nouvelle guerre froide, la dénonciation de l’URSS comme ‘’empire du mal’’, etc. Et ce discours est repris en Ukraine à l’indépendance. Mais, encore une fois, la famine de 1933, on peut en accuser Joseph Staline et son régime, mais la Russie en tant qu’État national n’existait pas à l’époque. C’est là où il y a une espèce de réinterprétation perpétuelle de l’Histoire, on interprète les actions de la Russie contemporaine comme étant une poursuite des actions de l’URSS, ce qui n’a quand même guère de fondement, d’autant plus, d’ailleurs, vu l’idéologie de Vladimir Poutine, qui ne perd pas une occasion d’expliquer à quel point la période soviétique a été mauvaise pour la Russie ».
Craintes d'un renversement en Ukraine soviétique
La Russie réfute d'ailleurs catégoriquement le terme de génocide, avançant que la grande famine qui a sévi en Union soviétique n'a pas seulement fait des victimes ukrainiennes, mais aussi russes, kazakhes, allemandes de la Volga et des membres d'autres peuples du sud de l'Empire soviétique. Mais en Ukraine, par crainte de révolte, Staline a empêché la population de circuler pour trouver de quoi se nourrir ailleurs, aggravant le bilan.
►À lire aussi : Donbass: l'enseignement de l'histoire, une préoccupation essentielle pour Moscou
« La famine n’est pas spécifique à l’Ukraine, ce qui est spécifique, c'est la peur d’une déstabilisation politique causée par la famine. On a des courriers de Staline disant qu’il pense qu’à cause de la proximité de la Pologne, le pouvoir polonais en profiterait pour essayer, avec l’aide de nationalistes ukrainiens, de renverser le pouvoir en Ukraine soviétique. C’est pour cette raison que le pouvoir veut absolument éviter que les affamés se répandent dans d’autres régions, alors que dans le nord du Kazakhstan, dans le bassin de la Volga et même au Kouban, les affamés ont eu la possibilité de se déplacer. Il y a eu des millions de morts, mais ceux qui arrivaient à sortir des zones de famine étaient sauvés, alors qu’en Ukraine, on les a maintenus sur place par des cordons de police », explique Éric Aunoble.
►À lire aussi : Le pape François s'adresse directement au peuple ukrainien après neuf mois de guerre
(Avec AFP)
L'Ukraine commémore les 90 ans de l'Holodomor, la grande famine causée par Staline.
Ukraine commémore samedi 26 novembre l’Holodomor, la grande famine de 1932-1933 provoquée par le régime stalinien. Selon les historiens, 15% de la population ukrainienne est morte durant cet épisode marquant en Ukraine et qui a acquis une résonance toute particulière depuis l'invasion russe.
Entre 3 et 6 millions de personnes auraient été victimes de cette grande famine organisée par le régime stalinien dans le sud de l'Empire soviétique, du Kazakhstan à l’Ukraine, en passant par la Russie et les régions cosaques.
En Ukraine, cette famine a été baptisée « Holodomor », qui signifie littéralement extermination par la faim. Depuis plusieurs années, Kiev fait campagne pour que l'Holodomor soit reconnu comme un génocide. Et cette année, cet épisode tragique résonne douloureusement depuis l'invasion russe.
Mais l'Empire soviétique et la Russie sont deux réalités différentes, rappelle l'historien Éric Aunoble, spécialiste de l'Ukraine et du communisme à l'université de Genève, interrogé par Juliette Gheerbrant du service international de RFI. « C’est un terme apparu dans la diaspora ukrainienne en Amérique du Nord dans les années 1970-80, et qui est assez marqué par les débats de l’époque sous la présidence de Ronald Reagan, avec la nouvelle guerre froide, la dénonciation de l’URSS comme ‘’empire du mal’’, etc. Et ce discours est repris en Ukraine à l’indépendance. Mais, encore une fois, la famine de 1933, on peut en accuser Joseph Staline et son régime, mais la Russie en tant qu’État national n’existait pas à l’époque. C’est là où il y a une espèce de réinterprétation perpétuelle de l’Histoire, on interprète les actions de la Russie contemporaine comme étant une poursuite des actions de l’URSS, ce qui n’a quand même guère de fondement, d’autant plus, d’ailleurs, vu l’idéologie de Vladimir Poutine, qui ne perd pas une occasion d’expliquer à quel point la période soviétique a été mauvaise pour la Russie ».
Craintes d'un renversement en Ukraine soviétique
La Russie réfute d'ailleurs catégoriquement le terme de génocide, avançant que la grande famine qui a sévi en Union soviétique n'a pas seulement fait des victimes ukrainiennes, mais aussi russes, kazakhes, allemandes de la Volga et des membres d'autres peuples du sud de l'Empire soviétique. Mais en Ukraine, par crainte de révolte, Staline a empêché la population de circuler pour trouver de quoi se nourrir ailleurs, aggravant le bilan.
►À lire aussi : Donbass: l'enseignement de l'histoire, une préoccupation essentielle pour Moscou
« La famine n’est pas spécifique à l’Ukraine, ce qui est spécifique, c'est la peur d’une déstabilisation politique causée par la famine. On a des courriers de Staline disant qu’il pense qu’à cause de la proximité de la Pologne, le pouvoir polonais en profiterait pour essayer, avec l’aide de nationalistes ukrainiens, de renverser le pouvoir en Ukraine soviétique. C’est pour cette raison que le pouvoir veut absolument éviter que les affamés se répandent dans d’autres régions, alors que dans le nord du Kazakhstan, dans le bassin de la Volga et même au Kouban, les affamés ont eu la possibilité de se déplacer. Il y a eu des millions de morts, mais ceux qui arrivaient à sortir des zones de famine étaient sauvés, alors qu’en Ukraine, on les a maintenus sur place par des cordons de police », explique Éric Aunoble.
►À lire aussi : Le pape François s'adresse directement au peuple ukrainien après neuf mois de guerre
(Avec AFP)
myko- Messages : 196
Date d'inscription : 25/09/2018
Localisation : le bonheur est dans le pré
Re: Holodomor
Guerre en Ukraine : comment la mémoire de l'Holodomor, cette famine provoquée par Staline, a façonné l'identité ukrainienne
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-comment-la-memoire-de-l-holodomor-cette-famine-provoquee-par-staline-a-faconne-l-identite-ukrainienne_5492937.html
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-comment-la-memoire-de-l-holodomor-cette-famine-provoquee-par-staline-a-faconne-l-identite-ukrainienne_5492937.html
benoit77- Messages : 2859
Date d'inscription : 17/09/2014
Re: Holodomor
La guerre d'Ukraine de 2022 faire figure d'écho lointain à l'holodomor. Surtout le débat entre ukrainiens et russes sur le caractère intentionnel ou non de la famine prend une vigueur nouvelle. Si la Russie de 2022 n'a aucun scrupule a faire crever de froid les ukrainiens à l'approche de l'hiver en bombardant les installations électriques, un crime de guerre manifeste, cela conforte rétrospectivement la thèse ukrainienne d'une famine provoquée. La bestialité du regime russe de 2022 s'inscrit dans une continuité historique évidente.
travellergillou76- Messages : 2193
Date d'inscription : 30/12/2015
Re: Holodomor
LE HOLODOMOR RECONNU COMME GENOCIDE PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN
« Le Parlement européen reconnaît la famine infligée par le régime soviétique à l'Ukraine dans la période de 1932 et 1933, connue sous le nom d’Holodomor, comme un génocide. Les députés […] appellent tous les pays et organisations qui ne l'ont pas encore fait à suivre cet exemple et reconnaître le génocide. […] En établissant des liens avec l'époque soviétique, la résolution accuse le régime russe actuel de saper la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, de chercher à éliminer l'Ukraine en tant qu'État-nation et de détruire l'identité et la culture de son peuple. »
Pour rappel… en 2008, le parlement européen avait reconnu le Holodomor comme crime contre le peuple ukrainien (et non comme génocide).
Le Holodomor a provoqué la mort par la faim de plusieurs millions de paysans en quelques mois…
NE JAMAIS OUBLIER !!!
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20221209IPR64427/le-parlement-reconnait-l-holodomor-comme-genocide?fbclid=IwAR3DK4hT-24jSHUtfLVtRfszkx0MLrPg_NztGYvROSnp1Lo65GbLd3WA6JE
« Le Parlement européen reconnaît la famine infligée par le régime soviétique à l'Ukraine dans la période de 1932 et 1933, connue sous le nom d’Holodomor, comme un génocide. Les députés […] appellent tous les pays et organisations qui ne l'ont pas encore fait à suivre cet exemple et reconnaître le génocide. […] En établissant des liens avec l'époque soviétique, la résolution accuse le régime russe actuel de saper la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, de chercher à éliminer l'Ukraine en tant qu'État-nation et de détruire l'identité et la culture de son peuple. »
Pour rappel… en 2008, le parlement européen avait reconnu le Holodomor comme crime contre le peuple ukrainien (et non comme génocide).
Le Holodomor a provoqué la mort par la faim de plusieurs millions de paysans en quelques mois…
NE JAMAIS OUBLIER !!!
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20221209IPR64427/le-parlement-reconnait-l-holodomor-comme-genocide?fbclid=IwAR3DK4hT-24jSHUtfLVtRfszkx0MLrPg_NztGYvROSnp1Lo65GbLd3WA6JE
Caduce62- Messages : 15238
Date d'inscription : 05/01/2010
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Re: Holodomor
Dans une résolution adoptée à une quasi-unanimité (168 voix contre 2), les députés ont appelé le gouvernement à en faire de même, pour répondre à la forte attente de Kiev au sujet de ce souvenir douloureux, ravivé par l'invasion russe du pays.
Aujourd'hui, 90 ans après les faits, l'Assemblée nationale a reconnu officiellement un génocide oublié.
Entre 1932 et 1933, entre 3 et 4 millions d’Ukrainiens ont perdu la vie, volontairement affamés par le régime soviétique dans une des pires famines du 20e siècle.
C'est l'Holodomor.
Un famine délibérée, organisée par le régime soviétique comme le prouvent les archives depuis déclassifiées.
En 1948, le juriste polonais Raphaël Lemkin qui a inventé en 1943 le terme moderne de génocide disait de ce crime qu'il était "l'exemple classique de génocide, la plus longue et la plus vaste expérience de russification - la destruction de la nation ukrainienne".
Depuis, le travail de mémoire se fait petit à petit.
Dans les années 2000, l'avancée des connaissances historiques a permis la reconnaissance de l'Holodomor comme génocide par 16 pays et comme crime contre l'Humanité par le Parlement Européen depuis 2008.
Notre Assemblée nationale rejoint aujourd'hui ces autres parlements, en reconnaissant cette tragédie comme génocide.
N'oublions jamais. Aux côtés de l'Ukraine !
Aujourd'hui, 90 ans après les faits, l'Assemblée nationale a reconnu officiellement un génocide oublié.
Entre 1932 et 1933, entre 3 et 4 millions d’Ukrainiens ont perdu la vie, volontairement affamés par le régime soviétique dans une des pires famines du 20e siècle.
C'est l'Holodomor.
Un famine délibérée, organisée par le régime soviétique comme le prouvent les archives depuis déclassifiées.
En 1948, le juriste polonais Raphaël Lemkin qui a inventé en 1943 le terme moderne de génocide disait de ce crime qu'il était "l'exemple classique de génocide, la plus longue et la plus vaste expérience de russification - la destruction de la nation ukrainienne".
Depuis, le travail de mémoire se fait petit à petit.
Dans les années 2000, l'avancée des connaissances historiques a permis la reconnaissance de l'Holodomor comme génocide par 16 pays et comme crime contre l'Humanité par le Parlement Européen depuis 2008.
Notre Assemblée nationale rejoint aujourd'hui ces autres parlements, en reconnaissant cette tragédie comme génocide.
N'oublions jamais. Aux côtés de l'Ukraine !
Caduce62- Messages : 15238
Date d'inscription : 05/01/2010
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