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Ioulia Timochenko. Le calvaire de la dame de Kiev

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Ioulia Timochenko. Le calvaire de la dame de Kiev Empty Ioulia Timochenko. Le calvaire de la dame de Kiev

Message  Matt Jeu 8 Déc - 15:58

Ioulia Timochenko. Le calvaire de la dame de Kiev

Harcelée par les autorités et incarcérée, l’ex-égérie de la révolution orange s’est construit un personnage de Jeanne d’Arc ukrainienne.

HÉLÈNE DESPIC-POPOVIC

En août, la plus glamour des femmes politiques d’Europe de l’Est est jetée en prison. Harcelée depuis son échec électoral de 2010, l’ex-Première ministre Ioulia Timochenko se sait menacée. Dans un message confié à son avocat, elle écrit : «Je n’ai pas l’intention de me suicider.» Une allusion aux disparitions étranges intervenues au cours des dernières années en Ukraine. Aujourd’hui, alors que son état de santé s’est dégradé, son avocat accuse les autorités de la «conduire à la mort».

Un lourd contentieux


Nouvelle affaire trouble ou simple exercice de communication ? Jeudi dernier, le procès en appel de Ioulia Timochenko s’est ouvert en son absence. Selon ses avocats, elle souffre de fortes douleurs au dos et ne peut pas marcher. De toute façon, cette procédure suscite peu d’espoirs chez ses partisans car l’opposante fait déjà face à de nouvelles charges, dont l’une l’implique dans le meurtre d’un député et de sa femme en 1996. Elle fait aussi l’objet d’une enquête sur des malversations financières présumées datant des années 90.

L’ancienne égérie de la révolution orange n’est pas sans soutien à Kiev : le 27 novembre, quelques milliers de sympathisants sont venus chanter sous ses fenêtres. C’était son 51e anniversaire, son premier en prison. Ioulia Timochenko a été condamnée, en octobre à Kiev, à sept ans de prison pour «abus de pouvoir». Pas assez, donc, aux yeux de ses accusateurs.

Ce harcèlement judiciaire n’est pas sans rappeler celui que subit à Moscou un certain Mikhaïl Khodorkovski. Lequel purge une peine de quatorze ans de prison (Libération de jeudi). Comme l’ex-roi du pétrole, Timochenko fut d’abord une oligarque. Et comme lui, elle est clairement victime d’une vengeance politique. Son ennemi juré s’appelle Viktor Ianoukovitch. Il a attendu son heure.

Le contentieux est lourd entre ces deux bêtes de pouvoir : Ianoukovitch est l’homme dont l’élection contestée à la présidence a été annulée par la révolution orange en 2004 et qui a remonté le courant pour se faire élire chef de l’Etat en 2010. «Un poltron ordinaire», a lancé Timochenko quand son adversaire a refusé un duel télévisé à la veille du second tour de la présidentielle, en février 2010. La détestation qu’éprouve pour elle le chef de l’Etat ukrainien est telle que ce dernier reste sourd à toutes les demandes de l’Union européenne de pouvoir lui rendre visite et de mieux la traiter. Au risque de voir capoter la signature d’un accord d’association politique entre Kiev et Bruxelles, prévu pour le 19 décembre. «Nous assistons à des persécutions comme celles contre Ioulia Timochenko, qui suscitent de graves interrogations sur leurs motivations politiques», a déclaré, hier à Vilnius, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton.

Pour justifier son intransigeance, Viktor Ianoukovitch se réfugie derrière le principe de non-ingérence dans les affaires de la justice. Mais, comme par hasard, ses ennemis sont en prison, à commencer par l’ancien ministre de l’Intérieur Iouri Loutsenko, l’un des infatigables combattants de la place Maïdan en 2004. Par ailleurs, de nombreux responsables du gouvernement Timochenko ont été accusés de malversation, arrêtés ou assignés à résidence.

Curieusement, les deux ennemis jurés ont bien des traits communs. Comme Ianoukovitch, l’ex-Première ministre est une battante. Même si elle fait parfois plus penser à Madonna ou à Sharon Stone qu’à Margaret Thatcher, surtout quand elle pose à demi-couchée au côté d’un tigre, ou l’air grave dans un luxueux tailleur blanc. «Lady Iou» (l’un de ses surnoms) est une vraie dame de fer.

«Princesse du gaz»

Comme Ianoukovitch, elle vient de l’Est russophone : Timochenko est née à Dniepropetrovsk. Comme lui, elle a connu une enfance difficile. Son père a quitté sa mère alors qu’elle n’avait que 3 ans. La jeune Ioulia grandit dans une famille où on ne parle que le russe avec une mère divorcée et une grand-mère ouvrière. Elle se marie à 19 ans, a un enfant l’année suivante. Son rêve de jeunesse est alors celui de millions de jeunes Ukrainiens : «Nous vivions à sept dans un appartement, et nous rêvions d’avoir le nôtre, nos premiers mètres carrés à nous seuls.»

Fraîchement diplômée, la jeune économiste, très entreprenante, se lance dans les affaires dès le début de la perestroïka, au milieu des années 80. En 1988, elle ouvre un premier vidéoclub, une nouveauté en Union soviétique, puis un atelier de fabrication de cassettes vidéo. Quelques années plus tard, après avoir fondé l’entreprise Systèmes énergétiques unifiés d’Ukraine (UESU), elle fait fortune dans le gaz, qu’elle achète à la Russie dans des conditions opaques. On l’appelle alors la «princesse du gaz».

Ioulia Timochenko entame au même moment une carrière politique dans le sillage du gouverneur de Dniepropetrovsk, Pavlo Lazarenko. Brièvement promu Premier ministre (1996-97), celui-ci engrange les millions de manière frauduleuse. Ce qui lui vaudra d’être condamné dix ans plus tard, aux Etats-Unis, pour corruption et blanchiment d’argent. En 1996, Ioulia devient députée d’un éphémère parti formé par Lazarenko, qui périclite après la fuite de son fondateur à l’étranger. Cette période de la vie de Ioulia Timochenko reste pour le moins obscure…

En 2000, Viktor Iouchtchenko, alors Premier ministre de Léonide Koutchma (président entre 1994 et 2005), l’appelle au gouvernement pour remettre de l’ordre dans le système de distribution gazière qui profite essentiellement aux oligarques. Sur le papier, elle n’est pas la plus mal placée pour le faire : pour s’être enrichie dans ce secteur, elle en connaît tous les mécanismes. C’est à ce moment précis qu’elle entre en conflit avec les barons du système. Elle a le «tort» de pourfendre les oligarques de l’Ukraine de Koutchma. Sous la pression, elle doit quitter le gouvernement en janvier 2001.

Les premières accusations de corruption et d’évasion fiscale pleuvent. Après un passage en prison de quarante-deux jours, Lady Iou ressort plus combative que jamais. A la tête de son propre parti, le Biout (Bloc Ioulia Timochenko), elle soutient les mouvements de protestation de rue qui se sont multipliés après l’assassinat, en septembre 2000, du journaliste Gueorgui Gongadzé - un événement qui précipite la fin du système Koutchma et annonce la révolution orange.

Timochenko change d’image : la femme d’affaires brune, clinquante et ténébreuse, qui ne parlait que russe, cède la place à une blonde mère courage de la nation ukrainienne, parfaite locutrice de cette langue qu’elle n’a commencé à apprendre qu’à son arrivée à Kiev.

Nommée Première ministre en 2005 après la révolution orange et l’accession à la présidence de Viktor Iouchtchenko, elle n’occupe ce poste que pendant sept mois. Car ses relations avec le nouveau président deviennent vite exécrables.

Goût du luxe et des toilettes

Ses tentatives de revenir sur un certain nombre de privatisations peu transparentes provoquent un tollé dans les milieux économiques, où les oligarques exercent une forte influence sur les politiciens locaux. On la traite de «populiste» et on la critique pour son goût du luxe et des toilettes. Ses tailleurs Louis Vuitton, ses talons de 12 centimètres de haut, ses colliers de perle et ses manteaux de zibeline sont soupesés, évalués, mesurés. Elle s’emporte. Un jour, au Parlement, alors qu’un député lui fait remarquer que son collier de perles pourrait nourrir une famille ukrainienne moyenne pendant cinq ans, elle détache le bijou et le lance sur le pupître de son pourfendeur en disant : «Il n’y a pas une seule vraie perle sur ce collier !»

Après sa traversée du désert, elle redevient Première ministre en 2007 grâce au succès de son parti aux législatives. Cette fois, Timochenko opte pour le pragmatisme dans ses relations avec Moscou. Pour mettre un terme à la guerre du gaz lancée par Poutine contre les «oranges», elle accepte une hausse du prix du gaz russe. Cette décision, violemment contestée par Ianoukovitch et ses partisans, est à la base de la première procédure judiciaire intentée contre elle cette année. Mais, en réalité, la belle Ioulia s’est fait de nombreux ennemis à l’occasion de ce contrat gazier qui supprimait un intermédiaire russo-ukrainien, RusUkrEnergo. Celui-ci possédait jusque-là le monopole de l’importation de gaz.

Pour l’égérie de la révolution orange, la politique a toujours été une question d’image. On ne compte plus ses métamorphoses, de la femme d’affaires aux tenues clinquantes à l’icône de la révolution aux corsages brodés et à la tresse nouée autour de la tête, pas plus qu’on ne peut énumérer tous les surnoms qui lui ont été donnés.

Sa mise en accusation par le régime actuel lui a, paradoxalement, donné l’occasion de restaurer une aura abîmée par les disputes entre anciens compagnons de la révolution orange. Timochenko n’a pas manqué l’occasion d’enfiler le costume de martyre, abandonnant le blanc pour des teintes plus sombres et arborant des lunettes. L’un de ses surnoms les plus en vogue actuellement parmi ses partisans : «la Jeanne d’Arc de Kiev»


(Libération)

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