Une déception nommée Ianoukovitch
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Une déception nommée Ianoukovitch
Une déception nommée Ianoukovitch
Élu depuis un an seulement, le président n'a fait que renforcer son pouvoir tandis que l'emprise des oligarques sur l'économie ukrainienne ne cesse de grandir. Le pessimisme a pris le dessus au sein de la population et l'opposition voudrait bien écourter son mandat.
07.02.2011 | Tatiana Ivjenko | Nezavissimaïa Gazeta
Viktor Ianoukovitch prête serment au Parlement, Kiev, 25 février 2010
u terme de la première année de présidence de Victor Ianoukovitch, l'Ukraine a connu plus de changements que durant les cinq ans de mandat de ses prédécesseurs [Victor Iouchtchenko et ses soutiens, dont Ioulia Timochenko pendant une période] à la tête de l'Etat. Mais les experts soulignent que malgré tous les efforts qu'elle déploie, l'"équipe de Donetsk" demeure dans une situation délicate. L'Ukraine reste sous la menace de grands bouleversements et de graves crises.
Avec 48,95 % des voix, Ianoukovitch avait été élu président le 7 février 2010, au second tour de scrutin, alors que son adversaire, Ioulia Timochenko, recueillait 45,47 % des suffrages. Dès ce moment, les spécialistes avaient prévenu le nouveau chef de l'Etat que moins de la moitié de la population lui accordait sa confiance, et qu'il devrait donc gouverner avec prudence, sans rien brusquer ; ce serait le seul moyen de faire taire les doutes sur sa légitimité. C'est ainsi que s'était tenue, le 25 février 2010, une très sobre cérémonie d'investiture.
Mais dès le mois de mars, les événements s'étaient précipités et avaient pris un tour imprévisible : signature des accords de Kharkov, qui prolongent pour au moins un quart de siècle le séjour de la flotte russe de la Mer Noire dans sa base de Crimée ; réforme du parlement, qui l'a transformé en simple instrument aux ordres de la présidence ; abolition de la Constitution de 2004 qui avait instauré un régime mi- parlementaire, mi-présidentiel.
"Ianoukovitch ne s'est pas contenté de rétablir le modèle qui existait à l'époque de Koutchma. Il l'a nettement renforcé. Désormais, le président façonne lui-même la verticale de l'exécutif dans son ensemble, et ce système est devenu beaucoup plus facile à contrôler après la ‘réforme administrative' menée à la fin de l'année dernière, qui a quasiment divisé par deux le nombre de ministères et d'administrations", commente pour nous le directeur de l'Institut de politique publique, Victor Tchoumak. Il estime que le chef de l'Etat s'est fixé pour but d'implanter en Ukraine le même type de pouvoir qu'en Russie, mais qu'il a oublié une chose : "Contrairement à notre voisin, nous n'avons pas de matelas de ressources énergétiques pour amortir les tensions sociales. La centralisation du pouvoir, qui s'accompagne de réformes douloureuses pour la société, engendre du mécontentement et irrite la population". C'est, pour cet analyste, ce qui explique le succès actuel de l'opposition.
Le politologue Vladimir Zolotorev est du même avis. Il note que l'Ukraine reste divisée en deux camps, mais que durant l'année écoulée, la fracture entre l'est et l'ouest du pays a eu tendance à se combler : "La pauvreté a rapproché tout le monde". Ce nouvel état de fait sautait aux yeux lors des manifestations de l'automne dernier contre l'adoption du nouveau Code des impôts. Les habitants des régions orientales sont descendus dans les rues tout autant que ceux des régions occidentales. "Le pouvoir a modifié la répartition du fardeau fiscal en accentuant la pression sur les PME pour mieux choyer les oligarques. En agissant ainsi, Ianoukovitch a violé l'une de ses principales promesses électorales, qui était d'accorder cinq années d'oxygène fiscal aux petits patrons, et il a suscité la méfiance envers son gouvernement". Ces propos sont ceux de Taras Berezovets, directeur de la société de conseil stratégique Berta Communications.
La première année de présidence de Ianoukovitch aura également été marquée par une vague d'arrestation de hauts fonctionnaires et par les mises en accusation de Ioulia Timochenko et de ses partisans. Même si tout cela est justifié, le pouvoir ne parvient pas à convaincre l'opinion ni ses partenaires étrangers que l'équipe précédente est responsable de la situation actuelle.
Le pouvoir préfère mettre l'accent sur l'augmentation du PIB, l'afflux d'investissements étrangers, mais l'opposition accuse l'équipe Ianoukovitch de manipuler les chiffres. Les oligarques proches du pouvoir feraient ainsi revenir, sous forme d'investissements, de l'argent jusque-là placé dans des zones off-shore, afin de récupérer à bon compte les entreprises stratégiques demeurées publiques. Pour sa part, Ioulia Timochenko a récemment déclaré que depuis un an, l'évasion de capitaux vers des zones off-shore représentait 28 milliards de dollars, ce qu'aucun économiste ukrainien n'a pu confirmer ou infirmer.
M. Berezovets estime qu'à l'étranger, on se rend parfaitement compte que le pouvoir ukrainien cherche à faire place nette sur l'échiquier politique afin d'éliminer toute personnalité capable de représenter une concurrence à Ianoukovitch en 2015 : "Pour y parvenir, cela nécessite de s'appuyer sur les structures de maintien de l'ordre et les services secrets. En ce moment, le pouvoir fait tout pour les soutenir. Mais à l'extérieur du pays, on est de plus en plus circonspect envers ce qui se passe en Ukraine. Peu après son élection, la première visite officielle de Ianoukovitch a été pour Bruxelles, ce qui a donné de l'espoir à ceux qui souhaitaient voir l'Ukraine devenir membre associé de l'UE dès 2011. Aujourd'hui, cela semble absurde". Il précise que l'Ukraine est devenue l'un des plus gros débiteurs du FMI et que les pays développés ne la considèrent plus comme un partenaire de leur rang.
Dans la société, la grogne et l'inquiétude augmentent, nous assure Tatiana Sytnik, experte dans l'un des centres d'étude de l'opinion les plus renommés, GfK Ukraine. "En mars 2010, juste après l'investiture de Ianoukovitch, nous avions enregistré des niveaux d'attente des citoyens extrêmement élevés au sujet des perspectives économiques pour l'année à venir, et sur les cinq ans. A partir du mois de juin, le tableau a évolué, les pessimistes devenant beaucoup plus nombreux que les optimistes, et dès le mois de décembre, le crédit de confiance sans précédent dont avait disposé le nouveau pouvoir à ses débuts était épuisé".
Ioulia Timochenko célèbre à sa façon les un an de présidence de son rival de toujours. Elle a déclaré que son équipe était en train de mettre sur pied un "plan précis et constitutionnel" visant à écarter Ianoukovitch du pouvoir.
Puisse t'elle réussir.
Il est vrai que dans ceux que je connais qui ont voté pour ce président, beaucoup en sont revenu . . .
Élu depuis un an seulement, le président n'a fait que renforcer son pouvoir tandis que l'emprise des oligarques sur l'économie ukrainienne ne cesse de grandir. Le pessimisme a pris le dessus au sein de la population et l'opposition voudrait bien écourter son mandat.
07.02.2011 | Tatiana Ivjenko | Nezavissimaïa Gazeta
Viktor Ianoukovitch prête serment au Parlement, Kiev, 25 février 2010
u terme de la première année de présidence de Victor Ianoukovitch, l'Ukraine a connu plus de changements que durant les cinq ans de mandat de ses prédécesseurs [Victor Iouchtchenko et ses soutiens, dont Ioulia Timochenko pendant une période] à la tête de l'Etat. Mais les experts soulignent que malgré tous les efforts qu'elle déploie, l'"équipe de Donetsk" demeure dans une situation délicate. L'Ukraine reste sous la menace de grands bouleversements et de graves crises.
Avec 48,95 % des voix, Ianoukovitch avait été élu président le 7 février 2010, au second tour de scrutin, alors que son adversaire, Ioulia Timochenko, recueillait 45,47 % des suffrages. Dès ce moment, les spécialistes avaient prévenu le nouveau chef de l'Etat que moins de la moitié de la population lui accordait sa confiance, et qu'il devrait donc gouverner avec prudence, sans rien brusquer ; ce serait le seul moyen de faire taire les doutes sur sa légitimité. C'est ainsi que s'était tenue, le 25 février 2010, une très sobre cérémonie d'investiture.
Mais dès le mois de mars, les événements s'étaient précipités et avaient pris un tour imprévisible : signature des accords de Kharkov, qui prolongent pour au moins un quart de siècle le séjour de la flotte russe de la Mer Noire dans sa base de Crimée ; réforme du parlement, qui l'a transformé en simple instrument aux ordres de la présidence ; abolition de la Constitution de 2004 qui avait instauré un régime mi- parlementaire, mi-présidentiel.
"Ianoukovitch ne s'est pas contenté de rétablir le modèle qui existait à l'époque de Koutchma. Il l'a nettement renforcé. Désormais, le président façonne lui-même la verticale de l'exécutif dans son ensemble, et ce système est devenu beaucoup plus facile à contrôler après la ‘réforme administrative' menée à la fin de l'année dernière, qui a quasiment divisé par deux le nombre de ministères et d'administrations", commente pour nous le directeur de l'Institut de politique publique, Victor Tchoumak. Il estime que le chef de l'Etat s'est fixé pour but d'implanter en Ukraine le même type de pouvoir qu'en Russie, mais qu'il a oublié une chose : "Contrairement à notre voisin, nous n'avons pas de matelas de ressources énergétiques pour amortir les tensions sociales. La centralisation du pouvoir, qui s'accompagne de réformes douloureuses pour la société, engendre du mécontentement et irrite la population". C'est, pour cet analyste, ce qui explique le succès actuel de l'opposition.
Le politologue Vladimir Zolotorev est du même avis. Il note que l'Ukraine reste divisée en deux camps, mais que durant l'année écoulée, la fracture entre l'est et l'ouest du pays a eu tendance à se combler : "La pauvreté a rapproché tout le monde". Ce nouvel état de fait sautait aux yeux lors des manifestations de l'automne dernier contre l'adoption du nouveau Code des impôts. Les habitants des régions orientales sont descendus dans les rues tout autant que ceux des régions occidentales. "Le pouvoir a modifié la répartition du fardeau fiscal en accentuant la pression sur les PME pour mieux choyer les oligarques. En agissant ainsi, Ianoukovitch a violé l'une de ses principales promesses électorales, qui était d'accorder cinq années d'oxygène fiscal aux petits patrons, et il a suscité la méfiance envers son gouvernement". Ces propos sont ceux de Taras Berezovets, directeur de la société de conseil stratégique Berta Communications.
La première année de présidence de Ianoukovitch aura également été marquée par une vague d'arrestation de hauts fonctionnaires et par les mises en accusation de Ioulia Timochenko et de ses partisans. Même si tout cela est justifié, le pouvoir ne parvient pas à convaincre l'opinion ni ses partenaires étrangers que l'équipe précédente est responsable de la situation actuelle.
Le pouvoir préfère mettre l'accent sur l'augmentation du PIB, l'afflux d'investissements étrangers, mais l'opposition accuse l'équipe Ianoukovitch de manipuler les chiffres. Les oligarques proches du pouvoir feraient ainsi revenir, sous forme d'investissements, de l'argent jusque-là placé dans des zones off-shore, afin de récupérer à bon compte les entreprises stratégiques demeurées publiques. Pour sa part, Ioulia Timochenko a récemment déclaré que depuis un an, l'évasion de capitaux vers des zones off-shore représentait 28 milliards de dollars, ce qu'aucun économiste ukrainien n'a pu confirmer ou infirmer.
M. Berezovets estime qu'à l'étranger, on se rend parfaitement compte que le pouvoir ukrainien cherche à faire place nette sur l'échiquier politique afin d'éliminer toute personnalité capable de représenter une concurrence à Ianoukovitch en 2015 : "Pour y parvenir, cela nécessite de s'appuyer sur les structures de maintien de l'ordre et les services secrets. En ce moment, le pouvoir fait tout pour les soutenir. Mais à l'extérieur du pays, on est de plus en plus circonspect envers ce qui se passe en Ukraine. Peu après son élection, la première visite officielle de Ianoukovitch a été pour Bruxelles, ce qui a donné de l'espoir à ceux qui souhaitaient voir l'Ukraine devenir membre associé de l'UE dès 2011. Aujourd'hui, cela semble absurde". Il précise que l'Ukraine est devenue l'un des plus gros débiteurs du FMI et que les pays développés ne la considèrent plus comme un partenaire de leur rang.
Dans la société, la grogne et l'inquiétude augmentent, nous assure Tatiana Sytnik, experte dans l'un des centres d'étude de l'opinion les plus renommés, GfK Ukraine. "En mars 2010, juste après l'investiture de Ianoukovitch, nous avions enregistré des niveaux d'attente des citoyens extrêmement élevés au sujet des perspectives économiques pour l'année à venir, et sur les cinq ans. A partir du mois de juin, le tableau a évolué, les pessimistes devenant beaucoup plus nombreux que les optimistes, et dès le mois de décembre, le crédit de confiance sans précédent dont avait disposé le nouveau pouvoir à ses débuts était épuisé".
Ioulia Timochenko célèbre à sa façon les un an de présidence de son rival de toujours. Elle a déclaré que son équipe était en train de mettre sur pied un "plan précis et constitutionnel" visant à écarter Ianoukovitch du pouvoir.
Puisse t'elle réussir.
Il est vrai que dans ceux que je connais qui ont voté pour ce président, beaucoup en sont revenu . . .
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