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Message  benoit77 Dim 11 Déc - 11:48

Wagner, l'armée de l'ombre de Poutine


L'opacité, le crime, et l'impunité. Voilà comment l'on pourrait définir le groupe Wagner, une armée privée de mercenaires travaillant pour le compte de la Russie, même s'ils s'en défendent. On les retrouve dans plusieurs pays où ils sont employés pour, officiellement, gérer la sécurité. En réalité, le groupe est l'exécuteur des basses oeuvres de Poutine.
"Wagner, l’armée de l’ombre de Poutine", réalisé par Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova et produit par Capa Presse, a été récompensé par le prix Albert-Londres 2022 dans la catégorie audiovisuel.


 disponible jusqu'au 23/01/23



https://www.france.tv/documentaires/politique/3140025-wagner-l-armee-de-l-ombre-de-poutine.html
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Message  Caduce62 Dim 11 Déc - 13:00

La fabrique du mensonge
Au coeur de la propagande russe

france-5

Pendant que les bombardements russes transforment les villes ukrainiennes en champs de ruines, de l'autre côté de la frontière, le Kremlin mène une autre guerre qui utilise une arme de destruction massive : les fausses informations. Les attaques découlent d'une stratégie théorisée depuis une décennie et directement menée par l'état-major russe aux ordres de Vladimir Poutine. Le nouvel arsenal est multiple et protéiforme : les réseaux sociaux, les médias d'Etat, les influenceurs, les trolls et les bots. Cette offensive lente et discrète se répand partout dans le monde. Le Kremlin a ainsi réussi à faire vaciller les démocraties occidentales et à influencer les opinions politiques.

diffusion le 11/12/22 à 20h55  disponible jusqu'au 18/09/23
https://www.france.tv/france-5/la-fabrique-du-mensonge/la-fabrique-du-mensonge-saison-3/4367680-au-coeur-de-la-propagande-russe.html
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Message  myko Sam 31 Déc - 19:30

www.lemonde.fr
Comment l’Ukraine mène la bataille du rail : « Nos chars entrent les premiers, nos trains ensuite »

Florence Aubenas
SAMUEL GRATACAP POUR « LE MONDE »

Publié hier à 06h15, mis à jour à 12h44

La compagnie ferroviaire nationale, héritage de l’époque soviétique, fut longtemps critiquée pour sa corruption endémique et son incapacité à se réformer. Avec la guerre, tout a changé : les cheminots sont en première ligne, le train est plus utile que jamais.

Alors ce serait vrai ? Un train va arriver ? Des voyageurs, mais surtout des curieux, se penchent au ras des rails pour assister au miracle, car il s’agit bien d’un miracle à Balakliïa, dans l’extrême est de l’Ukraine. Après sept mois d’occupation russe, la région vient d’être libérée à peine quelques jours plus tôt.

La situation reste périlleuse, la gare plongée dans le noir par crainte des bombardements. Mais Kiev applique son irréductible stratégie : « Nos chars entrent les premiers, nos trains ensuite : les cheminots sont la deuxième armée », martèle Mykhaïlo Makarenko, 58 ans, directeur des chemins de fer à Kharkiv, capitale de la région.

Quand la locomotive freine le long du quai, tout le monde applaudit, un vieux monsieur se fige dans un salut militaire. A bord, les machinistes, Ievhen et Oleksi, se sont redressés par réflexe, soudain solennels. Deux cent trente-deux cheminots sont morts, trois cent vingt-quatre ont été blessés : « Héros de fer », le surnom tourne sur les réseaux sociaux.

Depuis l’invasion russe, Ukrzaliznytsia (UZ), la SNCF locale, est devenue une légende, convoyant plus de quatre millions de réfugiés, 300 000 tonnes de biens humanitaires, 220 délégations diplomatiques, des chargements entiers de blé ou d’armes. Chaque jonction protégée ou reconquise par les Ukrainiens contribue à bloquer la progression ennemie.

Mais pour qui se souvient d’UZ il y a un an encore, cette glorieuse image tient du prodige, un retournement absolu. Jusque-là, l’entreprise incarnait l’inverse : elle était le symbole de la corruption, d’un changement sans cesse rêvé, mais sans cesse fracassé. Aujourd’hui, à sa manière, UZ raconte l’Ukraine, un voyage dans l’espace et le temps entre un pays qui n’existe plus et un autre qui n’est pas encore né.

Oleksandr Kamychine, le président d’UZ, ne reçoit, en ce jour d’automne, ni dans une gare ni dans un train, ses lieux de rendez-vous favoris depuis l’invasion russe. Il inaugure la saison de football du FC Locomotive au stade de la compagnie, à Kiev, avec orchestre et parade des joueurs. Dignes d’un grand club, les équipements disent le poids de l’entreprise : 230 000 salariés, le plus gros employeur du pays, un Etat dans l’Etat hérité de l’ancien empire soviétique, avec ses écoles, ses sanatoriums ou son entreprise de blanchisserie.

M. Kamychine, 38 ans, s’est fait une coupe d’inspiration cosaque, tempes rasées et bande de cheveux au sommet du crâne se terminant en courte couette. Il fait partie de ceux que la guerre a métamorphosés. Avant d’être nommé aux chemins de fer en 2021, il n’appartenait pas au monde du rail. Celui-ci, pourtant, lui était familier, il en connaissait même la vie secrète. Pendant sept ans, M. Kamychine a travaillé pour l’oligarque le plus puissant d’Ukraine, Rinat Akhmetov, roi du fer et du charbon, principal client d’UZ. Là, M. Kamychine a pu observer le système de bakchich pour obtenir de meilleures conditions de fret, la gigantesque contrebande de fuel ou l’incapacité de livrer le charbon aux centrales électriques, faute de wagons en bon état. « De la merde », dit-il. Ce sera son seul commentaire sur l’entreprise avant son arrivée.

Epine dorsale

Cette année-là, en 2021, UZ vient d’échapper à la faillite et affronte une tornade judiciaire pour détournement de fonds, pièces facturées dix fois leur valeur ou achat de matériel destiné à l’aménagement des wagons, mais se révélant dangereusement inflammable. Chaque mois, 3 millions de dollars (2,8 millions d’euros) au noir disparaissent. Tout le monde ne vole pas, loin de là, mais ça vole à tous les niveaux, intermédiaires, oligarques, fisc, employés, et jusque dans les ateliers de réparation, où les locomotives sont dépecées.

Pour se renflouer, les chemins de fer ont tenté de vendre certaines propriétés « non essentielles » de leur patrimoine (lieux de stockage, appartements, parcs de loisir), mais l’opération se révèle impossible : aucun recensement n’existe, les titres de propriété d’un millier de biens et de 50 000 kilomètres carrés de terrain environ n’ont jamais été retrouvés après la chute de l’Union soviétique (URSS). A l’époque communiste, personne ne demandait aux « chemins de fer soviétiques », auxquels appartenait alors le rail ukrainien, d’être rentables ou même transparents. Ils constituaient un des plus gros réseaux du monde, quatre millions de cheminots avec leur ministère propre, intimement lié à celui de la défense.

Moscou avait fait du rail l’épine dorsale de sa logistique militaire pour le transport de troupes et d’armes à travers son empire. Les structures portaient l’empreinte de l’Armée rouge, circuits de décision opaques, uniformes stricts, brigades ferroviaires armées. Un maillage serré de gares quadrillait le territoire, fonctionnant aussi comme un service de contrôle et de renseignement. Y être embauché représentait un privilège, souvent transmis de père en fils, avec avantages et prestige.

Après l’indépendance de l’Ukraine, en 1991, les réformes de fond ont souvent tourné court dans la compagnie, rebaptisée « Ukrzaliznytsia ». Mais qui avait intérêt, alors, à restructurer les chemins de fer dans ce jeune Etat en plein marasme ?

A vrai dire, certains partis en avaient aussi fait le temple de leurs basses œuvres : caisse noire électorale, cheminots utilisés comme réservoir de vote, convois chargés de transporter des manifestants ou, au contraire, de bloquer ceux des rivaux, explique Youri Nikolov, journaliste à Nachi Hrochi (« notre argent »), un site d’investigation réputé. On se dispute le contrôle des secteurs les plus juteux, les directeurs valsent au gré des scrutins. Deux d’entre eux, dont Heorhi Kirpa, idole des cheminots et grognard du rail, finissent avec une balle dans la tête. Les enquêtes n’ont jamais abouti.

« Nettoyer » le vieux monstre

Les désordres de l’indépendance permettent à Moscou, l’ancien « empire », de garder son influence sur les chemins de fer ukrainiens, et donc sur le territoire. A vrai dire, la plupart des anciens d’UZ ont fait leurs classes sous l’URSS ; ils en gardent la nostalgie d’un âge d’or. Des liens forts perdurent. Longtemps après la fin du communisme, la compagnie n’aurait pas imaginé se fournir en matériel ailleurs qu’à Moscou, d’autant que la technique l’y pousse : l’écartement des rails n’est pas le même dans l’ancienne sphère soviétique (1 520 millimètres) que dans le reste de l’Europe (1 435 millimètres).

Au tournant des années 2010, deux événements vont contribuer à changer le grand jeu ferroviaire. Rail Baltica d’abord, un projet de l’Union européenne (UE) qui ambitionne de redessiner l’Europe des transports. Autour de 2030, un nouveau tracé doit ainsi relier la Pologne à la Finlande – via un tunnel sous la Baltique, entre Helsinki et Tallinn –, permettant aux pays baltes de ne plus dépendre du réseau ferré russe pour rejoindre l’UE. L’OTAN aussi en fait partie : la ligne servira également aux transports militaires. Pour le Kremlin, ce projet a tout d’une déclaration de guerre.

L’autre bouleversement, c’est le début de la guerre dans le Donbass, en 2014, puis l’annexion de la Crimée par la Russie, en représailles aux manifestations ukrainiennes contre la corruption et la mainmise de Moscou sur le pays. Entre les deux voisins, les frontières se referment, pas totalement mais presque, les trains ne circulent plus. « On ne pouvait pas y croire : comme si on nous avait amputés des jambes. On ne se voyait plus d’avenir alors », se souvient Ksenia, employée dans les trains internationaux. Pour UZ, il devient vital de se tourner vers l’Ouest, surtout avec le lancement de Rail Baltica. Forte de 27 000 kilomètres de voies, la compagnie y aurait toute sa place. Mais il y a un prix, inévitable cette fois : des réformes urgentes.

La nomination de M. Kamychine s’inscrit dans cette bataille du rail. Cahier des charges : « nettoyer » et « restructurer radicalement » le vieux monstre postsoviétique, selon les critères de gestion occidentaux. Aujourd’hui encore, le jeune patron se délecte à raconter le rituel qu’il avait mis en place chaque matin, à 7 heures : un appel aux directeurs régionaux pour contrôler en personne les flux des transports. « La moitié sont des gars old school, perdus quand personne ne leur donne d’ordre, dit-il. Les autres sont des jeunes, avides de faire, mais sans savoir comment. » Tous le redoutent. Deux sur six sont licenciés après son arrivée.

Les appels d’offres deviennent obligatoires. Jusque-là maintenus au plus bas sous la pression de certains oligarques, les tarifs marchandises bondissent de 70 %, tout en restant les moins chers d’Europe. La marche vers l’« optimisation » à l’occidentale vient de démarrer, projets de réduction du personnel, fermetures de voies jugées peu rentables, travaux pour électrifier le réseau, dont la moitié tourne toujours au fuel. Pour le premier bilan de M. Kamychine, fin 2021, l’entreprise sort du rouge.

La gare, cathédrale et opéra

Le 14 février suivant, c’est au français Alstom, et non plus au géant russe Transmashholding, qu’UZ commande 210 locomotives. La signature du contrat ressemble à un sommet international, poignées de main et photos avec les présidents Macron et Zelensky. « Il ne s’agit pas seulement d’un accord sur la fourniture de matériel, mais de l’intégration de l’Ukraine dans le système économique et le réseau de transport de l’UE », salue Olexandr Kubrakov, ministre ukrainien des infrastructures. Un audit, commandé à la Deutsche Bahn, les chemins de fer allemands, doit être rendu public les semaines suivantes, ouvrant la voie à d’autres réformes et à un partenariat avec Berlin.

A Moscou, Vladimir Poutine laisse éclater sa colère. Selon lui, les « agents de l’Ouest » ont pris le contrôle des organismes d’Etat ukrainiens, comme la poste ou les chemins de fer. « C’est aussi une de ses raisons de vouloir remettre notre pays dans le droit chemin », expliquait récemment Oleksandr Pertsovskyi, un des directeurs d’UZ, au magazine français La Vie du rail. Dix jours après la signature du contrat Alstom, le 24 février, le temps s’accélère.

A la gare de Kharkiv, tout le monde se souvient du matin de l’invasion. La frontière russe passe à 40 kilomètres de là, la ville est une des premières bombardées. Dès l’aube commence pour beaucoup d’Ukrainiens une fuite vers l’ouest du pays, moins touché alors. Un embouteillage géant paralyse les routes. Plus de vols civils. Reste le train : ils sont 60 000 par jour à se ruer à la gare de Kharkiv, contre 5 000 voyageurs habituellement. Des émeutes menacent les petites villes, où les convois n’arrivent plus.

Au centre du pays, à Kiev, seuls six employés de la gare sur six cents réussissent à se rendre au travail les deux premières semaines de la guerre. Parmi eux : Natalia Sedzinska. Depuis vingt et un ans, elle est une de ces voix sans visage qui égrène au micro les annonces des départs et des arrivées. Les troupes russes sont à quinze kilomètres, les rumeurs disent que la capitale sera bientôt en état de siège. Moscou a déjà préparé l’ordre de capitulation, il n’a plus qu’à être signé.

Ces jours-là, une foule a envahi le hall de la gare, des gens assis, debout, couchés, agglutinés autour des radiateurs. Dans cette masse, on ne distingue aucun visage, mais ce qui frappe Natalia Sedzinska, c’est l’immobilité et le silence, un silence absolu que rehausse encore la majesté de la station, à la fois cathédrale et opéra, avec ses coupoles et ses escaliers. Le nombre de voyageurs grimpe à 185 000 par jour. Avec son mari et ses deux fils, Natalia Sedzinska décide de rester. Ton timide, s’excusant presque : « J’aime mon travail. »

« La voix du ciel »

Personne n’arrive plus à lire le tableau d’affichage des trains, le stress, l’effroi. Et puis d’un coup, un message de Natalia Sedzinska retentit. « Elle était la voix du ciel que tous attendaient, la dernière chose à laquelle se raccrocher », se souvient Petro Stetsiouk, directeur de la gare. Chaque train annoncé fait l’effet d’une déflagration. Le silence se déchire, une cohue prend les voies d’assaut. Pour pouvoir embarquer valises, poussette ou cage du perroquet sont abandonnées sur le quai.

La panique est devenue l’autre ennemi. Le directeur a donné des consignes : il faut d’abord installer les plus vulnérables à bord, avant de donner au public les informations du départ. Puis, quand le train est signalé, le convoi suivant doit être annoncé dans la foulée pour rassurer ceux qui n’ont pu embarquer. Les mots « guerre » ou « bombardement » sont proscrits. Beaucoup se sont mis à vivre et à dormir dans la gare, y compris les employés, le directeur et la quinzaine de policiers venus en renfort.

Avec la guerre, les plans de restructuration ont volé en éclats. Peu de choses, en revanche, ont été prévues en cas d’une invasion de cette ampleur. A l’UZ, une poignée de dirigeants prend les manettes dès le 24 février. « Nous ne nous sommes pas assis pour réfléchir et discuter longuement à des options raisonnables : cela aurait été pire qu’une mauvaise décision », se souvient Oleksandr Kamychine. En une nuit, il vient de passer de réformateur libéral, amateur de grands crus et de marathon, à homme parmi les plus puissants et les plus exposés du pays, directement relié à la présidence. Il impose une règle : rien ne doit s’arrêter.

Dans un premier temps, tout le matériel roulant est consacré aux évacuations de civils. Les plans de circulation, qui s’établissent d’ordinaire tous les ans, changent désormais chaque jour. A travers le pays, un train part vers l’ouest au moins toutes les trois heures, sans numéro, horaire ou trajet fixe, parfois l’un derrière l’autre sur 80 kilomètres de voies.

Pour que ce soit possible, « les directives générales ont été supprimées : chacun décide seul, tout de suite, en fonction de la situation sur le terrain et sans passer par la bureaucratie ou la hiérarchie », reprend M. Kamychine. Selon lui, cette simplification explique en grande partie la réussite des premières évacuations : entre le 24 février et le 4 mars 2022, un million de personnes ont été transportées, en tout quatre millions depuis l’invasion russe, et sans aucun accident de passager. « Le train, sa vitesse, son roulement est devenu le sens de notre vie », dit Ievhen le machiniste de Balakliïa.

A l’époque, le Kremlin croit en une victoire éclair. Les frappes contre les « infrastructures vitales » ukrainiennes, électriques ou ferroviaires, restent d’abord limitées. L’armée russe compte s’en servir lorsqu’elle prendra le contrôle du pays, d’autant que sa stratégie militaire continue de s’appuyer sur le rail pour l’approvisionnement de ses troupes. Depuis l’époque soviétique, le réseau d’UZ a peu changé, les ingénieurs russes ont l’impression d’y être toujours chez eux : il va se refermer sur l’Ukraine comme une toile d’araignée, Moscou en est sûr.

Base logistique neuve

Mais l’invasion produit l’effet inverse : l’Ukraine résiste, gardant le contrôle de nœuds ferroviaires, comme Tchernihiv et Nijyn, au nord-est de Kiev, ou Kharkiv et Soumy, dans l’est du pays. Des cheminots d’UZ minent leurs propres voies pour bloquer les convois ennemis. Sur les écrans, les images ont tourné en boucle à travers le monde : des blindés russes arrêtés dans la neige faute d’avoir été livrés en carburant et en munitions, des soldats affamés pillant les épiceries.

Le 8 avril, des bombes russes frappent la gare de Kramatorsk, dans l’est, faisant cinquante-deux morts. Trois semaines plus tard, sept autres stations sont pilonnées. Dans une situation militaire qui s’embourbe, l’attaque des lignes commence, des ponts et des jonctions sont détruits par dizaines. Ils serviraient à des livraisons d’armes occidentales, affirme le Kremlin, qui avance régulièrement l’argument de l’utilisation militaire du rail par les Ukrainiens pour justifier ses frappes (sollicitée à ce propos, UZ ne répond à aucune question sur le sujet).

Mais bombarder le rail – comme les centrales électriques –, c’est aussi toucher l’Ukraine au plus profond. La guerre a fermé le ciel et la mer : la vie entière du pays passe désormais par le train.

« Il faut construire et reconstruire à chaque fois, le plus vite possible, on n’a pas d’autres options », commente M. Stetsiouk. Certes, le vieux réseau soviétique avait été conçu pour encaisser le choc en cas de guerre et être réparé rapidement. Mais beaucoup d’experts internationaux doutaient qu’UZ en ait gardé la capacité : l’année précédente, en période de paix, la compagnie n’avait pas réussi à faire rouler plus d’un quart des convois agricoles, faute d’entretien du matériel.

Aujourd’hui, un lieu tenu secret, dans l’ouest du pays, est devenu l’emblème de la mutation du rail ukrainien en pleine guerre. Les rares visiteurs autorisés sont guidés en direct par des itinéraires détournés et un lacis de chemins forestiers. Soudain, au milieu de la boue et des arbres, surgit une base logistique entièrement neuve de 36 hectares. On s’attendrait à voir James Bond apparaître en smoking, mais c’est un ingénieur quadragénaire qui sort de la baraque de chantier, sanglé dans un gilet fluo. Une centaine d’employés travaillent ici, sélectionnés « parmi les plus fiables et les plus patriotiques du pays », signale l’ingénieur. Photos et téléphones portables interdits, les contrats le précisent.

A l’origine, le « site James Bond » devait abriter un terminal ferroviaire privé pour les conteneurs chinois transitant du port d’Odessa vers la Pologne. « Une nouvelle route de la soie », selon l’ingénieur. Les travaux duraient depuis deux ans quand la décision a été prise, peu après l’invasion, de changer la technologie du site pour basculer vers le transport de produits agricoles, céréales ou huile de tournesol, bloqués par le verrouillage russe de la mer Noire.

Défaillances d’hier, avantages d’aujourd’hui

Alors que 80 % de l’économie sont à l’arrêt, il faut trouver un élévateur à grain, des pompes pour transférer l’huile, bâtir trois silos. Les premiers trains ont démarré en septembre. En sens inverse, l’Ukraine réceptionne de l’aide humanitaire et du charbon.

« Ç’aurait été impossible en temps normal, reprend l’ingénieur. L’esprit de résistance nous porte. » C’est d’ailleurs de l’autre côté des frontières, à l’abri des combats, que les travaux s’enlisent. En Pologne, les opérateurs ont peur de se lancer : si les ports se débloquent, tout sera perdu. Deux trains circulent chaque jour, alors qu’il en faudrait quatre. Même constat pour une nouvelle jonction avec la Moldavie, rendue indispensable par la guerre : l’Ukraine a achevé en deux mois les 90 kilomètres de voies de son côté, alors que les Moldaves n’avaient toujours pas commencé les seulement 700 mètres à leur charge. UZ a fini par s’en charger aussi.

La moitié des exportations ukrainiennes terrestres passent désormais par le « terminal James Bond », un coût multiplié par quatre par rapport au maritime. Mais l’ingénieur veut y croire : « Le rail est de retour », dit-il. Selon lui, ce nouveau mode de fret continuera après la guerre, pour l’huile notamment.

Au forum international des transports, organisation intergouvernementale rassemblant soixante-trois pays, ce miraculeux sursaut d’UZ a occupé les discussions entre experts et ministres, en mai. Le slogan d’Oleksandr Kamychine, « des trains à l’heure », lancé en pleine guerre, a frappé les esprits. « On a d’abord cru à une blague : UZ était surnommé le “réseau le plus lent d’Europe” », se souvient un spécialiste français. Les retards étaient le principal reproche des usagers ukrainiens, vieux restes de l’ère communiste où l’on pouvait attendre un jour entier sur le quai. « Récemment encore, le train ressemblait à une machine à remonter le temps », raconte une passagère, à Pokrovsk, seule gare ouverte dans Donbass. Elle-même évitait de le prendre. Or, le constat est là aujourd’hui : le convoi de 16 heures démarre à 16 heures, alors qu’il vient de traverser une zone de combat.

C’est là que surgit une hypothèse, qui aurait paru hallucinante il y a un an. Et si les défaillances historiques d’UZ, cet héritage soviétique que M. Kamychine s’évertuait à réformer, s’étaient muées en avantages ? Des experts du forum international des transports en ont dressé la liste. Le personnel, d’abord, cette corporation traditionaliste, que les manageurs trouvaient pléthorique et impossible à réformer : son nombre, justement, a permis de continuer à assurer le service, même si la guerre en avait fait fuir 30 % environ. Le « trop » d’hier s’est révélé être un « juste assez » aujourd’hui. Le maillage des petites lignes a lui aussi permis de réacheminer voyageurs et marchandises par des voies parallèles en cas d’attaque. Promis à la réforme, les trains diesel, enfin, ont continué à rouler, même après le pilonnage des sous-stations électriques.

A l’extrême ouest du pays, Lviv est une « petite gare normale », cinq quais, dix voies, dernière station pour les voyageurs avant la Pologne. Lviv, la porte vers l’Ouest, le lieu où tout recommence désormais ? Cette nouvelle géographie fait rire Roman Senychine, le chef de gare. Ici, les passagers étrangers ne dépassaient pas 7 % avant la guerre. La planète entière y défile maintenant : les chefs d’Etat dans leurs trains spéciaux, Sean Penn, qui a pleuré en tournant un documentaire, ou Angelina Jolie, avec qui il a bu un café. Dans sa famille, Roman Senychine est la quatrième génération dans les chemins de fer, une dynastie comme au temps de l’URSS.

« La guerre a changé les objectifs »

Il revoit son père cheminot rentrant à la maison avec des sacs de sucre ou des caisses de carrelage en guise de salaire. C’était en 1997-1998, la grande crise économique, plus un sou dans les caisses publiques, les employés payés avec le fret saisi des entreprises en faillite. Syndicaliste, le père ne protestait pas. « Il faut sauver les chemins de fer », martelait-il. Roman y est rentré en 2005. L’effort de guerre a fait chuter les salaires de 500 euros à 300 environ, en partie à cause de la suspension des primes. Lui non plus ne se plaint pas.

Sur les quais de la gare, un orchestre traditionnel a accueilli les premiers retours des réfugiés, en mai. Depuis, la statistique s’est inversée : en Ukraine, on revient plus qu’on ne part. Le 1er juin, les structures d’aide aux réfugiés en transit ont été démontées devant la station. Paradoxalement, Halyna Bordoune, psychologue à Lviv, trouve la situation plus dure qu’en février. « Avant, les gens sauvaient leur vie comme il pouvait. Ceux qui partent maintenant ont attendu jusqu’au bout, mais ne peuvent plus tenir. Les mois de guerre les ont abîmés. »

Des bénévoles ou des cheminots ont eux aussi commencé à fréquenter les consultations psychologiques en septembre, au moment où le trafic redevenait normal, ou presque. Oksana Kachiïouk, 34 ans, occupait un poste envié, dame de compartiment, chargée de distribuer les draps dans les trains de nuit ou de vendre du thé. Orpheline, elle avait bénéficié de la filière sociale pour intégrer l’UZ. Les six premiers mois de l’invasion sont passés sans qu’elle ressente ni peur ni fatigue, enchaînant les évacuations, sûre d’être là où elle devait être. Quand le rythme s’est ralenti, elle s’est effondrée. Elle a démissionné et vit désormais à l’étranger.

Dans l’équipe restreinte de M. Kamychine, chacun avait été chargé, au début du conflit, de nommer son remplaçant, au cas où il serait tué. Lui-même est une cible pour les Russes, il en est convaincu. Sa vie ressemble à un paysage flou défilant à travers les vitres d’un train sans cesse différent, sautant d’un convoi à l’autre, jamais plus de quatre heures au même endroit pour déjouer les frappes.

Dans son plan de restructuration, il avait lancé un audit de tous les flux de corruption et changé les responsables de la sécurité intérieure. Aurait-il réussi ? Ou bien ses réformes auraient-elles été une promesse de plus vouée à l’échec ? M. Kamychine a un rire sec. « En tout cas, maintenant, il n’y a plus d’argent à voler ici. La guerre a changé les objectifs : nous aussi, nous devons en finir avec toute cette merde et faire du train le symbole d’un nouveau pays. »

Il s’est donné pour mission de visiter en personne les gares les plus dangereuses ou tout juste reconquises. Il n’aime pas ça. « Pourquoi le cacher ? Oui, j’ai peur, mais il y a eu un changement en moi-même aussi. Si nos gars sont là, c’est que nous, nous trouvons la situation assez sûre pour nous y rendre nous-même. Aujourd’hui, il faut se montrer un chic type, du genre qu’on est content d’avoir dans son équipe. » Début décembre, quinze gares ont été remises en service après la reconquête par les troupes ukrainiennes de régions dans l’est et dans le sud.

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Message  Krispoluk Sam 31 Déc - 21:36

Une série d'articles absolument géniaux que je ne connaissais pas ! Merci à mon ami Myko de les avoir dénichés ! (il est vrai que je ne suis pas un lecteur du Monde...)

Je comprends mieux maintenant, l'extraordinaire résilience des chemins de fers ukrainiens soumis à des contraintes absolument démentielles en période de guerre : transport de flux de passagers civils ayant quintuplé ou décuplé, réorganisation des transports vitaux de marchandises ou de produits agricoles d'importation et d'exportation par suite de l'indisponibilité des transports maritimes et aériens, importations d'armes de l'Ouest et transport des convois militaires et de ravitaillement vers les différents fronts.

Bref un extraordinaire sursaut et un véritable miracle logistique, accomplis par des chemins de fers ukrainiens qui auront bien mérité de la Patrie à la fin de la guerre !

Articles captivants encore une fois !  cheers
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Message  Caduce62 Mar 14 Fév - 1:26

Mardi 14 février sur Arte
- 20h55 : Gazprom : l'arme parfaite
- 22h25 : Ukraine-russie et la guerre de propagande

Mercredi 15 février sur TMC
21h25 : La story Zelensky

Jeudi 16 février sur France 2 soirée spéciale Ukraine
- 20h40 : Envoyé spécial depuis Kiev
- 22h10 : L'événement, comprendre la guerre
- 23H05 : Complément d'enquête "Une guerre sans fin"
- 00h15 : Nous les Européens
- 00h45 : Odessa, la nuit et l'exil
sur Arte "La fille de Kiev" film policier entre Kiev et la croatie


Dernière édition par Caduce62 le Dim 19 Fév - 2:58, édité 1 fois
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Message  Caduce62 Dim 19 Fév - 2:57

Suite des programmes de la semaine prochaine :

Dimanche 19 février sur France 5
- 22h55 : Moissons sanglantes, 1933 la famine en Ukraine

Mardi 21 février sur Arte
- 20h55 : Les survivants de Marioupol
- 22h25 : Ukraine, vers l'Europe et loin de moscou
- 23h45 : russie, journal d'une année de guerre

Mercredi 22 février sur France 2
- 23h00 : 2 place de la victoire, Kyiv

Mercredi 22 février sur Arte
- 22h40 : L'art, une arme en temps de guerre

Jeudi 23 février sur Arte
- 20h55 : "La fille de Kiev" épisodes 4 à 6

Jeudi 23 février sur W9
- 20h50 : Football : Rennes / Chaktior Donetsk
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Message  Caduce62 Mar 14 Mar - 18:09

Média: reportage, débat, enquete  - Page 16 33449910
Gallimard
 ·
#UKRAINE 🇺🇦
« La guerre décidée et menée par la Russie de Vladimir Poutine a fait irruption dans la vie de tous les Ukrainiens ; par bien des aspects, elle s’est aussi immiscée dans la vie de tous les Européens, et, par ricochet, dans le monde entier. »

Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Cette guerre sur le sol européen a fait des milliers de victimes et nous ramène aux heures les plus sombres de l’Histoire. Si ce conflit rappelle à bien des égards les guerres du siècle passé, il fait aussi surgir d’autres problématiques et de nouvelles menaces : nucléaires, économiques, énergétiques, guerre de l’information...

Un an après le début des affrontements, l'ouvrage "Fichez-nous la paix !" est paru en librairie ce jeudi aux Éditions Gallimard, avec l'association @CartooningforPeace et en partenariat avec @amnestyfr et @FranceMediasMonde.

Cartooning for Peace, dont le réseau de 280 dessinateurs et dessinatrices s’étend à plus de 70 pays sur tous les continents, a réuni des centaines de dessins de presse qui nous alertent sur la situation en Ukraine.
Pour cet ouvrage, préfacé par le journaliste @pierre.haski, 120 dessins marquants ont été sélectionnés. Provenant du monde entier, ils permettent de saisir les enjeux de cette guerre aux lourdes conséquences, qu’elles soient humaines, politiques ou économiques.

Les droits d’auteur de ce livre sont reversés à Cartooning for Peace pour les dessinateurs de presse menacés.

Découvrez le livre ▶ https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD-LOISIRS/Cartooning-for-Peace/Fichez-nous-la-paix?fbclid=IwAR2cG5iZ8rPgi80epGqjiJnEuJC5bRhoOABeQWhyOA2xeiJL-iFhP5UzQLw
Lisez un extrait ▶ https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F775991.js&oid=2431&c=&m=&l=&r=&f=pdf
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Message  Caduce62 Mar 21 Mar - 21:50

Mardi 21 mars sur Arte
- 20h55 : Face à poutine

Dimanche 26 mars sur France 5
- 20h55 : "Crimes de guerre en Ukraine" suivi d'un débat
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Message  Caduce62 Dim 16 Avr - 1:23

Dimanche 16 avril sur M6
- 23h15 : Face à poutine : la Pologne en première ligne

Dimanche 16 avril sur France 5
- 20h55 : "Russie : un peuple qui marche au pas" 
suivi d'un débat
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Message  Caduce62 Lun 5 Juin - 21:52

Mardi 6 juin sur Arte
- 20h55 : Wagner : les mercenaires de la russie
- 22h25 : Ukraine : chronique d'une guerre annoncée

Jeudi 8 juin sur France 2

- 23h00 : Prigojine, le boucher de poutine
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Message  Caduce62 Mar 19 Sep - 21:41

Ce Mardi 19 septembre sur France2
- 21h10 : Poutine et les oligarques
- 23h15 : Pussy Riot, rage against poutine
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Message  kozaten Mar 24 Oct - 23:18

www.lemonde.fr
Sofia Andrukhovych, romancière : « En Ukraine, la mort fait désormais partie intégrante de la vie quotidienne »
par Faustine Vincent

L’écrivaine ukrainienne explique, dans un entretien au « Monde », la manière dont la guerre s’est immiscée dans la vie de ses compatriotes et la nécessité d’écrire sur l’invasion russe pour l’éclairer autrement.
Sofia Andrukhovych, autrice et traductrice ukrainienne de 40 ans, publie Tout ce qui est humain (Bayard, 176 pages, 16 euros), son carnet de bord de la première année de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Vous écrivez que, depuis l’invasion russe du 24 février 2022, « les mots ont changé de nature » et qu’il est difficile de décrire cette « expérience d’une mort implacable » à laquelle les Ukrainiens sont confrontés. Comment raconter cette guerre ?

C’est une recherche constante. Je n’ai pas encore trouvé la réponse. Je déteste parler de la guerre, mais pour le moment, il n’existe aucun sujet qui n’y soit lié, et depuis l’invasion russe je ressens une immense responsabilité : il est nécessaire d’écrire sur cela pour que les pays étrangers puissent comprendre, car tout ce qui se passe est la continuation de la politique soviétique et de la dictature russe. Dans ce livre, j’ai essayé de raconter ce qui échappe au regard. Je voulais raconter ce conflit autrement : je n’aborde pas la politique mais les émotions qui traversent les gens, ce qui les rend nerveux ou en colère, par exemple. Les Ukrainiens se reconnaissent dans mon livre. Surtout, ausculter ces sentiments permet aux lecteurs étrangers d’ouvrir une fenêtre sur cette expérience, de susciter leur empathie.

Comment les Ukrainiens tiennent-ils, un an et demi après le début de l’offensive à grande échelle ?

Plus le temps passe, plus les gens s’habituent à cette situation anormale. C’est horrible à dire, mais la nature humaine permet de s’adapter. Aujourd’hui, on n’a plus peur quand les sirènes antiaériennes retentissent, ou que des bombes s’abattent sur le pays. Moi, au début, j’étais incapable de lire ou d’écouter de la musique. Puis la lecture m’a sauvée. J’ai beaucoup lu Annie Ernaux, entre autres. Elle a une façon délicate et puissante de décrire ce que ressentent les femmes. Cela résonne profondément en moi.

Dans ce carnet de bord, vous décrivez comment la guerre s’est insinuée dans la vie de chacun. Quelle histoire vous a particulièrement marquée ?

Celle qui m’a le plus choquée, c’est cette femme qui téléphone dans le bus et dont on comprend qu’elle a perdu deux de ses enfants dans la guerre. C’est une tragédie si inimaginable ! La façon dont elle le dit, pourtant, est très calme. Comme si c’était banal. Elle raconte aussi qu’elle a adopté un orphelin après sa perte. Cette scène, dont j’ai été témoin, raconte la façon dont la vie quotidienne des Ukrainiens a volé en éclats.

Vous évoquez aussi la peur que ressentent une partie des Ukrainiens. En parlent-ils ouvertement ?

Non. C’est un sujet délicat, j’y pense souvent. Ressentir de la peur est perçu comme honteux, en particulier chez les hommes, car il y a cette idée très forte de « héros sans peur », prêt à donner sa vie pour sa famille et la liberté. Bien sûr, beaucoup sont prêts à le faire. Pour autant, avoir peur est naturel. Mon voisin m’a confié combien il était terrorisé à l’idée d’être mobilisé dans l’armée. Il a attendu sa convocation dans l’angoisse pendant des semaines. Puis, après tant de nuits sans sommeil, il a enfin reçu la lettre. Il a alors ressenti un immense soulagement : enfin, c’était arrivé ! Aujourd’hui, il est opérateur de drone.

Les soldats qui combattent au front redoutent que la population, à l’arrière, oublie la guerre. Est-ce le cas ?

Contrairement à ce qui a pu se produire quand la guerre du Donbass a éclaté, à l’est du pays en 2014, aujourd’hui il est impossible d’oublier la guerre et de fermer les yeux. Même dans l’ouest de l’Ukraine, de nombreuses familles sont endeuillées. Pour autant, si vous venez à Kiev ou Lviv, vous n’aurez pas l’impression que c’est un pays en guerre, car tout fonctionne : les théâtres, les cinémas, les concerts… Les gens s’habillent bien, ont l’air heureux. Et puis, soudain, vous apercevez un homme à qui il manque une jambe, un bras ou un œil.

La société ukrainienne est de plus en plus traumatisée. Elle a besoin de lumière, et de tout ce qui la connecte à la vie. Je reviens de Lviv, où j’ai assisté à un festival littéraire, et il régnait une atmosphère de vacances, les gens étaient festifs, la musique omniprésente. Puis vous écoutez les conversations, et vous vous apercevez qu’ils ne parlent que de la guerre. Tout est entremêlé. La mort fait désormais partie intégrante de la vie quotidienne. Mais pour les soldats qui reviennent du front, c’est extrêmement difficile de connecter ce qu’ils voient à l’arrière avec ce qu’ils viennent de traverser. J’espère que la société ukrainienne parviendra à combler ce fossé, qui pourrait être dangereux.

En Europe et aux Etats-Unis, on entend de plus en plus parler de « fatigue » envers la guerre en Ukraine. Quel effet ce discours – qui ravit la Russie – a-t-il sur les Ukrainiens ?

Cela renforce l’anxiété. On comprend qu’il soit difficile de garder le même niveau d’empathie et d’intérêt, surtout lorsqu’on n’a pas cette expérience du danger constant. Mais leur soutien est crucial, à la fois pour la victoire de l’Ukraine et pour le reste du monde. On espère que les Européens et les Américains comprennent le danger que représenterait une victoire de la Russie.

« Tout ce qui est humain » : la guerre en Ukraine, une déflagration continue

Quelques semaines après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022, l’écrivaine ukrainienne Sofia Andrukhovych a entamé un carnet de bord. Son ouvrage, Tout ce qui est humain (Bayard, 176 p., 16 €), raconte avec finesse la façon dont ce conflit a bouleversé le quotidien des 40 millions d’Ukrainiens, ceux qui sont restés, mais aussi les autres, partis se réfugier à l’étranger, et dont la vie oscille encore entre leur pays d’accueil et l’Ukraine. Il y a d’abord ce constat, lucide, glaçant : « Nous ne survivrons pas tous. » Pour beaucoup, « la réflexion viendra plus tard ». Le récit de Sofia Andrukhovych raconte cette déflagration continue qu’est la guerre en Ukraine, « le choc, la colère et la haine » qui se sont emparés de la population, mais aussi leur contrepoint, ce besoin irrépressible de « sauver, aider, partager ». « Aujourd’hui, chaque Ukrainien souffre du sentiment de culpabilité de faire trop peu, en faisant le plus possible, écrit-elle. Le trauma a déchiré chacun de nous de l’intérieur. » Son ouvrage, nourri des scènes dont l’écrivaine a été témoin, offre un portrait puissant et nuancé de la société ukrainienne face à la guerre totale que lui livre la Russie depuis plus d’un an et demi.
« Tout ce qui est humain », de Sofia Andrukhovych (Bayard, 176 p., 16 €).

Faustine Vincent

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Message  Caduce62 Lun 13 Nov - 21:55

Mardi 14 novembre sur France 2 à 21h10 : "L'Ukraine au cœur"


Deux ans bientôt que dure la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Et deux ans, bientôt, que les réalisateurs de ce film luttent contre la fatigue des opinions, le cynisme des chancelleries et, aujourd’hui, la chape de silence qui s’abat sur l’Ukraine. De juin à septembre 2023, Bernard-Henri Lévy et Marc Roussel sont retournés y filmer et donner la parole aux femmes et aux hommes qui résistent à une barbarie déchaînée à la frontière de l’Europe. À voir mardi 14 novembre à 21.10 sur France 2.

Ce sont ces femmes et ces hommes qui m’attachent à l’Ukraine, ce surgissement d’un peuple qui, dans la boue et la poussière des batailles, retrouve le goût d’un héroïsme que l’Europe avait oublié.
Bernard-Henri Lévy
Après Pourquoi l’Ukraine en 2022 et Slava Ukraini en 2023, Bernard-Henri Lévy et Marc Roussel sont retournés sur les fronts de Kherson, Olevsk, et, surtout, Bakhmut... Une ode à l’héroïsme des Ukrainiens. Un plaidoyer pour une Europe qui garderait au cœur l’amour de la liberté et le courage de la vérité.

Ils ont partagé le quotidien des citoyens-soldats qui, dans les tranchées, contrent l’invasion russe. Ils ont documenté les crimes. Suivi des volontaires qui, chaque nuit, sortent traquer les drones et les interceptent à la mitrailleuse. Ils ont rencontré — retrouvé parfois — des femmes et des hommes qui résistent encore et toujours. D’autres avec qui ils avaient passé du temps lors de leurs derniers voyages sont, depuis, tombés sous les balles ou les obus. Ils ont rencontré de belles figures de combattants internationaux, notamment israéliens, britanniques et français, qui clament que cette guerre est leur guerre et que c’est le destin des démocraties qui s’y joue.

Il y a tant d'images que l'on n'oubliera pas : les écoles ou les églises bombardées ; cette vieille femme qui ne quitte pas sa maison dévastée et continue de cultiver son petit potager ; ces gueules cassées et ces infirmes qui, le sourire aux lèvres, veulent poursuivre le combat ; ce combattant amputé et seul survivant d’une attaque de son char à l’obus, qui retourne au front une semaine après ; ces derniers habitants de Tchassiv Yar qui ne se résolvent pas à quitter leur ville et vivent terrés dans des caves ; ces jeunes survivantes d'un village où tous les habitants ont dû s'entasser dans une cave, pendant des jours, avec l'odeur de la mort qui frappait indifféremment dans le noir ; et puis ces moments suspendus après l’éclat de la bataille, avec ces artistes venus offrir un concert aux soldats ; ou alors le témoignage glaçant de ces soldats russes prisonniers qui racontent, le visage flouté : « On a été vendus et on nous a envoyés à la mort. 70 % des hommes n’étaient pas préparés. »
Pour BHL, « la guerre de Troie a lieu, mais les Ukrainiens sont en train de la gagner » — il faut qu'ils la gagnent...

L'Ukraine au cœur
Un film de Bernard-Henri Lévy
Documentaire (90 min - 2023 - inédit) — Auteur Bernard-Henri Lévy — Réalisation  Bernard-Henri Lévy et Marc Roussel — Musique originale Slava Vakarchuk — Production La Règle du Jeu
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Message  Caduce62 Dim 18 Fév - 15:50

Mardi 20 février sur Arte

- 20h55 : Ukraine : un combat pour l'histoire
Documentaire de Dirk Schneider (Allemagne 2024)

- 22h30 : Collabos ! l'Ukraine en guerre face à ses traitres

- 23h45 : Le blé, l'autre arme de poutine

Dimanche 25 février sur France 5

- 21h00 : Ukraine, le coût des armes
Documentaire d'Hugo Van Offel et Martin Boudot (France 2024)

- 22h20 : 20 jours à Marioupol
Documentaire de Mstyslav Chernov (Ukraine 2023)
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Message  Caduce62 Mar 12 Mar - 21:52

Mardi 12 mars sur Arte

- 20h55 : Alex Navalny, l'ennemi de poutine
Documentaire d'Igor Sadreev (Allemagne 2024)

- 22h25 : russie, commerce interdîtes ? De l'art de contourner les sanctions

- 23h20 : Prague au service de moscou

Jeudi 14 mars sur Arte

- 20h55 : Affaire Skripal : l'espion empoisonné
Episode 1 & 2

- 22h30 : Affaire Skripal : l'espion empoisonné
Episode 3 & 4
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Message  Caduce62 Mer 28 Aoû - 13:44

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