Ukraine, le forum LIBRE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Cdiscount : -30€ dès 300€ ...
Voir le deal

article interessant dans le monde

Aller en bas

article interessant dans le monde Empty article interessant dans le monde

Message  travellergillou76 Sam 18 Nov 2017, 19:40

[size=42]Pourquoi l’Ukraine doit parler ukrainien, selon Volodymyr Yermolenko[/size]
C’est en parvenant à reconquérir sa langue que cette nation plurielle pourra affirmer son identité et contrer la volonté hégémonique russe, soutient le philosophe ukrainien.
LE MONDE | 18.11.2017 à 12h00 | Propos recueillis par Catherine Portevin
 Réagir Ajouter
Partager (19)Tweeter

Il se définit lui-même comme un pont entre l’Ukraine et le monde. Un pont aussi entre la pensée et l’action. Philosophe, enseignant à l’académie Mohyla de Kiev, Volodymyr Yermolenko, né en 1981, est journaliste pour de jeunes médias numériques. En 2011, il est à Paris pour soutenir sa thèse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales sur « La philosophie contre-révolutionnaire dans la France d’après 1789 et la Russie de 1905 à 1939 », quand l’urgence de son pays le rattrape. Il fera la révolution sur la place Maïdan pendant l’hiver 2013-2014, brandissant le drapeau européen contre l’emprise russe sur l’Ukraine. Et se mobilise depuis pour construire l’indépendance durable de son pays. Volodymyr Yermolenko est l’un des invités du Festival « Un week-end à l’Est », qui se tient à Paris jusqu’au lundi 20 novembre.
Depuis la révolution de la place Maïdan, en 2014, comment se pose le problème de la langue dans la construction de l’identité nationale ukrainienne ?
C’est une histoire très compliquée, qui remonte au XIXe siècle. A cette époque, l’ukrainien était surtout la langue des paysans, comme c’était le cas pour la langue locale dans beaucoup de pays de l’Est. Les villes étaient multilingues, selon les dominations politiques et l’histoire des populations. On parlait polonais, russe, yiddish, parfois allemand, comme dans les villes de l’Ouest ukrainien qui faisaient partie de l’empire austro-hongrois. Pendant la République indépendante d’Ukraine, entre 1917 et 1920, il y a eu un mouvement d’ukrainisation important dans les villes, mais il a été ensuite transformé par l’URSS, jusque dans les années 1960, dans un processus qu’on appelle parfois « linguicide » : une façon de « tuer » l’ukrainien en le rapprochant de façon artificielle du russe. Si vous ouvrez un dictionnaire russo-ukrainien de 1961, tous les mots russes ont une traduction ukrainienne calquée sur le russe. Avec cet ukrainien russifié, on ne sait plus très bien quelle langue on parle.
« LA RÉALITÉ, C’EST QU’À KIEV, TOUT LE MONDE PARLE RUSSE. UNE VENDEUSE OU UN CHAUFFEUR DE TAXI VOUS PARLERA SPONTANÉMENT EN RUSSE »
La question de la langue est centrale dans l’effort de renaissance civile et nationale que nous vivons, mais elle est très délicate. Car la réalité, c’est qu’à Kiev, tout le monde parle russe. Une vendeuse ou un chauffeur de taxi vous parlera spontanément en russe. Moi-même, j’ai été éduqué en russe. J’ai été élevé par des grands-parents prosoviétiques et communistes, l’école secondaire était russophone. Ce n’est qu’en entrant à l’université que j’ai appris l’ukrainien. Avoir le russe comme langue maternelle ne fait pas de moi une exception. Aujourd’hui, je ne parle et je n’écris qu’en ukrainien, mais ce fut un processus volontaire et un choix politique. Même à la maison, alors que ma femme et moi sommes tous deux russophones d’origine, nous ne parlons qu’ukrainien. Et pourtant, je me suis aperçu que notre fille, qui a 9 ans, parle russe et je ne saurais dire comment elle l’a appris… sauf dans la cour de récréation. Pour ma fille, le russe est la langue des enfants, elle s’adresse aux adultes en ukrainien. La culture russe continue de dominer, quoi que l’on fasse. Cela signifie que la transformation nationale n’a pas encore eu lieu et qu’elle sera lente.
Mais ne serait-ce pas absurde que les enfants lisent Gogol dans une traduction ukrainienne ?
Parler russe est évidemment une richesse pour les Ukrainiens, mais je pense qu’il faut traduire le plus possible la littérature, russe comme française ou anglaise, pour développer la langue. Franchement, entre l’option russe et l’option anglais à l’école, je choisirais l’anglais, parce que cette langue ouvre le monde, alors que le russe n’ouvre que le monde russe.
« LA RUSSOPHONIE EST, DEPUIS VINGT ANS, UN ARGUMENT DE LA PROPAGANDE PRO POUTINE CONTRE L’INDÉPENDANCE DE L’UKRAINE »
Je ne suis pas pour une politique d’ukrainisation forcée. J’aimerais seulement vivre dans un pays vraiment bilingue, or ce n’est pas le cas aujourd’hui. L’ukrainien est la langue officielle, celle du pouvoir et de l’éducation. Elle devient très lentement une langue de culture, mais ce n’est ni la langue du commerce ni celle de la rue, du moins dans les villes. Or, la russophonie est, depuis vingt ans, un argument de la propagande pro Poutine contre l’indépendance de l’Ukraine. C’est pourquoi il est très problématique que la langue ukrainienne reste une langue minoritaire à Kiev. Je ne dramatise pas l’enjeu. Je dis simplement : il faut veiller.
Comment pensez-vous aujourd’hui l’identité nationale ukrainienne ?
L’identité ou l’idée nationale est un sujet très important ici. Comme partout, il y a deux conceptions de la nation : soit la communauté ethnique, soit la communauté civique. La conception ethnique semble toujours plus facile – et serait une réplique de la politique de Poutine, qui voit dans l’Ukraine le berceau de l’Eglise orthodoxe de Moscou, insiste sur sa langue russe et persécute les Tatars en Crimée.
« LA PLURALITÉ EST L’UN DES TRAITS QUE JE VOIS COMME CONSTITUTIFS DE L’IDENTITÉ NATIONALE UKRAINIENNE. ELLE S’ACCOMPAGNE DE BEAUCOUP D’INDIVIDUALISME ET D’UNE MÉFIANCE À L’ENCONTRE DU POUVOIR »
Or, la réalité ukrainienne, compte tenu de son histoire, est essentiellement plurielle. Sur le plan religieux, par exemple, il y a trois Eglises orthodoxes, mais aussi des catholiques grecs, des protestants, des juifs, des catholiques romains, les Tatars musulmans et une grande partie de la population qui se déclare athée. Cette pluralité est précisément l’un des traits que je vois comme constitutifs de l’identité nationale ukrainienne. Elle s’accompagne de beaucoup d’individualisme et d’une méfiance à l’encontre du pouvoir. Politiquement, cela signifie qu’il est toujours impossible de créer l’unanimité ! On préférera le désordre, voire le chaos, à la dictature : même Viktor Iouchtchenko [président de l’Ukraine de 2005 à 2010], qui a été porté au pouvoir après la ­ « révolution orange », ou Petro Porochenko après Maïdan [en juin 2014], n’ont pas obtenu des scores électoraux écrasants (39 % pour le premier, 54 % pour le second).
La révolution de 2014 a aussi été baptisée « Euromaïdan » parce qu’elle manifestait ce que vous avez appelé une « foi européenne » que les Européens de l’Ouest ont largement perdue. Qu’en est-il de cette foi aujourd’hui ?
Avant Maïdan, le débat était déjà celui-là : vers où l’Ukraine doit-elle se tourner ? A l’époque, un tiers de la population regardait vers la Russie, un tiers vers l’Europe, un tiers ne se prononçait pas. Aujourd’hui, la Russie représente le grand danger : l’annexion de la Crimée et la guerre à l’Est ont réduit le nombre de pro­russes, et le tiers d’indécis est plutôt devenu proeuropéen. Mais je ne dirais pas que la revanche des prorusses est impossible. Ceux-ci s’appuient précisément sur la déception à l’égard de l’Union européenne. « Regardez, l’Ouest ne veut pas de vous, sauf pour vous exploiter comme une main-d’œuvre bon marché » : ce discours est en train de monter.
De l’autre côté, la référence à l’Union européenne est un marqueur très important pour les réformes intérieures, vers plus de démocratie, plus de souci écologique, un marché économique plus ouvert. Mais présenter une future adhésion à l’UE comme horizon est devenu à mon avis un argument dangereux. D’abord, parce que ce n’est clairement pas à l’agenda de l’Union : il n’y a aucune volonté politique européenne d’intégrer l’Ukraine, l’idée même d’élargissement de l’UE est en panne. Je comprends cette attitude. Du point de vue de Bruxelles, de Paris, de Berlin, l’entrée de la République tchèque, de la Hongrie, de la Slovaquie est une catastrophe : malgré le gain économique que ces pays en ont tiré, ils sont aujourd’hui eurosceptiques et élisent des extrémistes ultranationalistes. Mais il est difficile pour un Ukrainien qui a risqué sa peau sur la place Maïdan drapé dans le drapeau européen d’admettre ce point de vue.
« JE CROIS AUJOURD’HUI QU’IL FAUT PLUTÔT TRAVAILLER AU RAPPROCHEMENT AVEC L’EUROPE PAR UNE POLITIQUE DES PETITS PAS »
J’ai été le premier à plaider pour que l’Europe voie son intérêt à soutenir l’Ukraine parce que celle-ci est un front de résistance à la volonté de Poutine de détruire l’UE elle-même. Je crois aujourd’hui qu’il faut plutôt travailler au rapprochement avec l’Europe par une politique des petits pas. L’accord d’association [entre l’Ukraine et l’Union européenne], qui a tant tardé et est entré en vigueur en septembre, en est un. La libéralisation des visas pour les citoyens ukrainiens en est un autre. Plus symboliquement, le fait que la finale de la Coupe des champions de l’UEFA ait lieu à Kiev en 2018 en est encore un autre. Cela pourrait passer aussi par des investissements industriels, de nouveaux marchés, la culture… Peut-être qu’un jour l’Ukraine entrera dans l’Union européenne, peut-être pas. Cela ne doit en tout cas plus être une question dont dépendrait la construction nationale. Sinon, nous risquons de fabriquer un ressentiment qui sera pain bénit pour les populistes russes et prorusses.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/11/18/pourquoi-l-ukraine-doit-parler-ukrainien-selon-volodymyr-yermolenko_5216965_3232.html#CmYx4OKfD8Yooh0s.99
travellergillou76
travellergillou76

Messages : 2165
Date d'inscription : 29/12/2015

Revenir en haut Aller en bas

article interessant dans le monde Empty Re: article interessant dans le monde

Message  travellergillou76 Sam 18 Nov 2017, 19:42

j'ai posté cet article qui je trouve résume assez bien les défis auxquels sont confrontés l'Ukraine aujourd'hui Very Happy
travellergillou76
travellergillou76

Messages : 2165
Date d'inscription : 29/12/2015

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum