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Odessa

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Message  Caduce62 Ven 29 Oct - 14:13

Le régime de Viktor Ianoukovitch entend bien, à l'occasion des élections locales de dimanche, mettre aux pas cette ville aux mains de l'opposition depuis 1994.

Le Figaro, notre envoyée spéciale à Odessa

Shlomo Baksht a débarqué en 1993 à Odessa. Venu tout droit d'Israël, il ne parlait pas un mot de russe. «Lorsque j'ai célébré pour la première fois le culte, j'ai compté quinze personnes dans la salle. Le plus jeune avait 70 ans.»

Shlomo Baksht est le grand rabbin de la communauté juive d'Odessa. Jadis, le grand port de la mer Noire passait pour la capitale du monde juif. Bien avant ce que Shlomo Baksht appelle «la catastrophe»: 300.000 Juifs massacrés par les troupes du dictateur roumain Antonescu, allié des Allemands. Plus tard, au milieu des années 1980, grâce à la perestroïka, les fils des rescapés ont commencé à émigrer. Vers Israël ou vers les États-Unis. Les Juifs ne représentent plus aujourd'hui que 3% de la population d'Odessa contre 65% avant-guerre.

À la grande synagogue de la rue Yevreyskaya (rue Juive), convertie pendant un demi-siècle en gymnase, Shlomo Baksht tente de ressusciter une culture juive en lambeaux. Les modestes locaux de l'étage supérieur abritent la seule université juive du pays. Elle compte 250 étudiants. Shlomo Baksht reconnaît qu'aujourd'hui encore, «en Ukraine comme dans toute l'ex-URSS, la Shoah reste très peu étudiée». Irina Borschevskaya, recteur de l'université, ajoute qu'«hélas, l'antisémitisme est toujours d'actualité en Ukraine, mais pas à Odessa. La preuve: le maire est juif».

«La statue du bakchich»
C'est vrai, Edouard Gourvits est juif. Et il est incontestablement populaire. Les rumeurs sulfureuses qui circulent sur son compte ne troublent guère ses administrés. Il faut dire qu'ici, la corruption est une sorte de tradition endossée avec flegme par les Odessites. Sur le boulevard Primorski, qui longe le bord de mer, un curieux monument baptisé par les habitants «la statue du bakchich» rappelle que la ville ne doit son existence qu'aux 3000 oranges offertes au tsar Pierre III au milieu du XVIIIe siècle.

Et puis, «Gourvits a fait beaucoup pour rénover la ville», assure le journaliste Vladimir Krijanovskij. Au XIXe siècle, Odessa comptait parmi les trois principales villes de l'empire russe avec Saint-Pétersbourg et Moscou. Bien qu'en piteux état, les hôtels particuliers de Nicolas Gogol ou de la famille Tolstoï permettent d'imaginer la splendeur passée d'Odessa. «Les élites de l'Europe tout entière se sont mobilisées pour en faire un joyau», raconte fièrement l'historien Anatoly Gorbatiuk, capable de réciter par cœur la biographie du duc de Richelieu, l'un des pères fondateurs de la ville. Sa statue surmonte l'escalier Potemkine devenu, n'en déplaise à Serguei Eisenstein, un lieu de rendez-vous pour les adolescents amateurs de skateboards.

«Odessa est une ville construite par des aventuriers, ironise Edouard Gourvits. Elle parle russe, mais ses racines sont européennes. Les Soviétiques ne l'ont jamais aimée parce qu'elle était une fenêtre sur l'autre côté du rideau de fer.» Edouard Gourvits en a fait un slogan: «Mon rêve pour Odessa est que ses habitants y vivent comme en Europe.» Cela suffit, selon lui, à le positionner sur l'échiquier politique. De toute façon, ajoute-t-il, «en Ukraine, il n'existe pas de véritables partis politiques».

À sa manière, Gourvits se pose, à 62 ans, en opposant. Il règne sur Odessa depuis 1994. Malgré, dit-il, les tentatives de l'ancien président Leonid Koutchma de l'éliminer. «En 1998, j'ai été réélu. Mais ma victoire a été invalidée. Une année tragique. Deux de mes adjoints ont été kidnappés. L'un n'a jamais réapparu. L'autre a été retrouvé mort quelques années plus tard. J'ai été moi-même victime de plusieurs tentatives d'assassinat.»

Odessa a longtemps vécu comme au Far West, confirme Vladimir Krijanovskij. «Le maire omet de dire que la même année, un journaliste local très critique à son égard a été tué. Mais à l'époque, la violence était la norme dans toute l'Ukraine. À Odessa, un peu plus qu'ailleurs peut-être.» Cette fois pourtant, assure Vladimir, la campagne électorale se déroule «de manière plutôt civilisée».

Certes, les tontons flingueurs d'Odessa ont rengainé leurs armes. N'empêche, le duel oratoire qui oppose Gourvits et Alexey Kostousev, candidat du Parti des régions, relève du tir de bazookas. Kostousev ne se lasse pas de dénoncer «la bande criminelle qui occupe la mairie». Sous l'emprise de cette «mafia», Odessa, dit-il, «est devenue la cité la plus corrompue de la planète». Sur la chaîne privée locale ATV, le candidat du petit mouvement Rodina (Patrie), un sous-marin du Parti des régions, ne fait pas, lui non plus, dans la nuance. Il menace, entre autres choses, «d'expédier le maire et son équipe à Babi Iar pour un aller simple». (En septembre 1941, quelque 33.000 Juifs furent massacrés par les auxiliaires ukrainiens pronazis dans le fossé de Babi Iar.)

«Partis fantoches»
Andrey Iousov est un ancien militant du mouvement Pora qui encadra en 2004 la «révolution orange». Il admet qu'après l'élection de Viktor Ianoukovitch, une «rotation administrative était inévitable», mais trouve «anormal que le Parti des régions ait également investi la justice, la police et l'inspection fiscale». L'Ukraine, constate-t-il, «est en train de régresser, surtout en matière de liberté d'expression». La région d'Odessa n'est pas épargnée. Il y a quelques jours, le journaliste Serguei Bratchouk qui critiquait le gouverneur de la région, réputé proche du premier ministre Mykola Azarov, a été tabassé par des inconnus en rentrant chez lui.

À l'instar de 80% des habitants d'Odessa, Edouard Gourvits se dit convaincu qu'il y aura des fraudes, dimanche, lors des élections locales. Parce que «les commissions électorales sont majoritairement composées de partisans du Parti des régions ou de formations satellites: le Parti communiste ou bien des partis fantoches qui ne comptent parfois qu'une dizaine de membres».

C'est que derrière Kostousev, explique Andrey Iousov, «il y a le grand business de Donetsk, le fief du président. Et ces gens-là sont bien décidés à faire main basse sur Odessa». À l'instar de Iousov, Vladimir Krijanovskij ne doute pas que le nouveau régime, «très inspiré par le modèle de gouvernance de Vladimir Poutine», utilisera toutes «les ressources administratives» pour mettre au pas la ville. Avec ou sans Edouard Gourvits.

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