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Message  Александр Mer 31 Mar - 18:50

En 2005 l’Europe avait vu une nouvelle étape du cheminement vers la liberté de ses voisins ukrainiens. Etape qui allait achever un processus amorcé au tournant des années 1990. La révolution orange devait permettre à l’Ukraine d’en finir avec le post-soviétisme, un triste communisme adouci mâtiné d’une petite dose de nationalisme, et de faire sienne les valeurs et les standards occidentaux

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C’est complètement déconsidéré que Viktor Iouchtchenko, qui a à peine dépassé 5% des voix, vient de quitter fin février la présidence de l’Ukraine.

Cette sortie sans gloire ne fait que traduire un découplage qui n’aura cessé de croître entre une grande majorité d’Ukrainiens et leur président qui, à défaut de réformer l’Ukraine comme il l’avait annoncé, l’aura plongé dans les affres de batailles et crises politiques incessantes, le tout dans un contexte de crise économique mondiale que le pays aura traversé avec grand fracas.

Devait-on s’attendre à ces désillusions ?

Lorsque l’équipe orange prend les commandes de l’Ukraine en janvier 2005, le pays a de multiples atouts et a enfin réussi à surmonter la phase de récession aiguë qui a marqué la « transition » post- soviétique.

Outre ses atouts géographiques1, l’Ukraine de 2005, si elle n’est alors pas encore prospère, n’en bénéficie alors pas moins d’une croissance économique considérable qui avoisine les 10 %.

C’est cette croissance qui a permis à l’Etat et aux entreprises d’en finir, dans les dernières années de l’ère Koutchma (président de 1994 à 2005), avec les impayés de salaires permanents qui contraignaient les Ukrainiens à faire face à la vie au prix d’expédients en tous genres : deuxième ou troisième petit boulot au noir, recours à un potager dans la campagne, travail au noir à l’étranger, etc…

Dans l’esprit des Ukrainiens, la nouvelle équipe orange doit consolider et pérenniser cette embellie économique, tout en civilisant certaines habitudes des businessmen de ce « far East ». L’objectif assigné par la population à Viktor Iouchtchenko est, en somme, d’ « européaniser » le pays et de lui permettre d’en finir avec les mauvaises habitudes d’une gestion politique autoritaire, en garantissant une liberté de la presse qui, jusque là, à défaut d’être complètement muselée, était au moins largement orientée2.

Cinq ans plus tard, il est facile, voire naturel d’affirmer que beaucoup d’espoirs des Ukrainiens ont fait long feu. L’embellie économique des dernières années Koutchma et la croissance économique de 10% en 2004 ont en effet laissé place à une situation catastrophique avec une chute record du PIB en 2009 qui se situe entre -12 et -15 %. La plupart des Ukrainiens subissent et endurent la crise avec le même flegme que lors de la rude transition des années 1990. Chacun se débrouille désormais pour faire face aux échéances de crédits à la consommation généreusement distribués dans les dernières années, avant que la crise ne se manifeste.

Que dire alors de toutes les attentes qui ont été au moins oubliées sinon trahies, le tout dans un contexte d’instabilité politique qui avait un temps quasiment dégénéré en anarchie au sommet du pouvoir.

Iouchtchenko - un rêveur aux commandes

« Le problème de Iouchtchenko tient au fait que ce n’était pas un vrai leader, il était pétri de doux rêves mais ce que les Ukrainiens attendaient c’était un vrai « Natchalnik », un vrai boss, un dur à l’image de ses prédécesseurs » explique un diplomate européen en poste à Kiev. De fait, pendant ses cinq années de pouvoir à la tête de l’Ukraine, nombreux sont les adversaires de Iouchtchenko qui auront pointé sa propension à rêver plus qu’à commander. Viktor Tchernomyrdine, Premier ministre russe de l’époque Eltsine et ambassadeur à Kiev pendant l’époque orange avait d’ailleurs déclenché une mini-crise diplomatique en ironisant sur le penchant bien connu de Iouchtchenko à s’occuper de ses abeilles et de ses beaux livres, alors que le pays était en pleine tourmente financière à l’automne 2008. « Ce dont le pays a manqué sous Iouchtchenko c’est tout simplement d’une vraie gestion » confirme pour sa part Guennadiy Chyzhykov, directeur de la chambre de commerce de Donetsk, qui ne cesse de se désoler que son pays si riche en ressources et en talents ne parvienne pas à décoller.

Et puis il y a eu ces initiatives intempestives comme la gestion particulièrement surjouée de l’épidémie grippale : « Iouchtchenko et Timochenko ont mis le pays à l’arrêt, toutes les écoles ont été fermées 3 semaines, tout ça, cette gestion par des coups d’éclat a été très mal perçue par la population » explique Sergei, journaliste de Donetsk.

Cependant les échecs de Iouchtchenko ne sont pas tous imputables à son caractère. De fait, quand il arrive au pouvoir, le président porte les stigmates de son empoisonnement à la dioxine. Les médecins pronostiquent qu’il n’a que 30 % de chances de survie à brève échéance. Opéré à plus de cinquante reprises dans les premières années de son mandat et largement affaibli, il ne préside pas vraiment et son staff allège au maximum les obligations imposées par sa charge. Inutile de souligner que dans l’environnement byzantin qu’est le monde politique ukrainien, certains profitent alors de ce relatif vide du pouvoir pour placer leurs cartes et leurs hommes. Au premier chef Ioulia Timochenko, dont l’appétit de pouvoir n’est aujourd’hui un mystère pour personne, et dont le caractère s’accommode mal des exigences constitutionnelles de partage de pouvoir.

Autre circonstance atténuante pour louchtchenko, son prédécesseur Leonid Koutchma n’aura pas manqué de lui compliquer la tâche en lui imposant, en pleine révolution orange, une réforme constitutionnelle précipitée et bâclée. Celle-ci fait passer le pays d’un système présidentiel à un système hybride présidentiel-parlementaire. Réalisée dans l’urgence, la réforme laisse en suspens de multiples questions de partages de compétences qui contribueront, pendant tout le mandat de Iouchtchenko, à gripper la machine politique. Pour Roman Evgeniyovitch, politologue à Dniepropetrovsk « Koutchma a fait sa réforme et a dit « après moi le déluge » et c’est un peu ce qui est arrivé ».

L’Ukraine n’est plus la Russie

Cependant, malgré ces défis qui n’ont pas été relevés, ces espoirs déçus, ces bisbilles de politiciens, l’Ukraine n’a finalement peut-être pas perdu ces cinq années. Le Pays a continué de se chercher, en tâtonnant. Personne, parmi les nombreux Ukrainiens rencontrés dans ces villes de l’Est où l’on n’a jamais trop apprécié Iouchtchenko, ne se résigne à dire que cette aventure orange marquée par de multiples déconvenues (crise économique massive, crises politiques incessantes, tensions avec la Russie, crises gazières…) n’a rien apporté. Ainsi pour Svetlana, professeur à Dniepropetrovsk « l’Ukraine, au moins, s’est faite un nom depuis 5 ans ». Ce moment orange aura, de fait, permis à l’Ukraine de gagner une certaine reconnaissance. « Depuis son indépendance pour beaucoup notre pays était encore l’URSS, au mieux la Russie, au pire la mafia ». Avec la Révolution orange les Ukrainiens ont fait la leçon à l’Europe. La leçon de l’existence de leur pays que les Européens, longtemps, n’auront pas voulu voir.

Et au fond, malgré la désillusion, beaucoup d’Ukrainiens sont assez fiers d’avoir pu montrer par leur soulèvement lors de la Révolution orange qu’ils ne se laissaient pas toujours dicter leur destin comme c’est si souvent le cas dans cette zone postsoviétique. « En Ukraine, les gens peuvent influer sur l’Etat, ce qu’ils ne peuvent pas faire en Russie » insiste ainsi Sergei, journaliste de Donetsk. « Et puis on a appris à débattre, à débattre de tout, des questions sociales, des relations internationales, c’est quelque chose de nouveau, Koutchma, lui, n’aimait pas ça ».

« Oui, tout ne va pas, il y a toujours beaucoup de corruption, toujours pas de véritable justice, toujours des difficultés à l’hôpital quand on n’a pas d’argent mais on est devenu plus européens. Imaginez, avant les élections il y avait un véritable suspense sur le nom du futur président. Dans quel autre pays de l’ex-URSS cela est-il possible ? Tout y est toujours décidé à l’avance. Ce qui se passe en Ukraine est unique » conclut Svitlana Zalishchuk, jeune ukrainienne responsable d’une association à Kiev.

L’Orage russo-ukrainien, un mal nécessaire ?

Sur le terrain diplomatique également l’action de Iouchtchenko est discutable. Attendu sur le terrain du rapprochement avec l’Europe il aura plus fait pour éloigner son pays de la Russie que de le rapprocher de Bruxelles.

« Quelle qu’elle soit c’est très difficile de poursuivre une vraie stratégie diplomatique quand le pays n’est déjà pas vraiment géré en interne » explique un diplomate décryptant le peu d’avancées de l’Ukraine sur la route de l’adhésion aux structures européennes. De fait, entre crises gazières à répétition, opposition virulente de l’Ukraine face à l’invasion russe en Géorgie en août 2008, retraits d’ambassadeurs… la discorde entre les deux frères slaves a même inspiré à certains observateurs des craintes de voir la Russie renouveler l’aventure géorgienne en terre ukrainienne, hypothèse qui ne s’est heureusement pas vérifiée.

Le président ukrainien a pris toute sa part dans l’exacerbation des tensions entre les deux Etats. Tout à sa volonté de reconstruire une identité ukrainienne éloignée la plus possible de l’histoire russe, il n’a pas hésité à réhabiliter des figures historiques ukrainiennes très controversées3 et a suscité un certain malaise en luttant pour la reconnaissance internationale du génocide perpétré contre les paysans ukrainiens par Staline dans les années 1930. Pour Sergei, le journaliste de Donetsk « Iouchtchenko a statué sur ces questions en politicien alors que c’était aux historiens de le faire ».

Mais cette phase de grincements dans les relations russo-ukrainiennes n’était-elle pas un passage obligé pour contraindre les Russes à accepter que l’Ukraine suit désormais sa propre voix. Ce quoi qu’il lui en coûte. Beaucoup de citoyens et à fortiori de politiciens russes rechignent encore à l’admettre. Pour eux l’Ukraine n’est encore, ni plus ni moins, qu’une partie, turbulente certes, mais une partie intégrante de la Russie.

--

Iouchtchenko ne s’est pas avéré être le visionnaire attendu, et son alliée des débuts Ioulia Timochenko encore moins la gestionnaire rigoureuse que certains présentaient. Leur bilan n’est pas brillant, loin s’en faut. Mais avec, eux ou malgré eux, l’Ukraine est peut-être un peu plus elle-même aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a cinq ans. « Finalement, statue Sergei, on a eu ce qu’on méritait, les politiciens sont le reflet de la société, si on en veut de nouveaux il nous faut les créer, ils ne vont pas tomber du ciel, il nous faut créer un nouveau système éducatif qui permette de les faire émerger ».

1 L’Ukraine est le deuxième pays d’Europe par la taille et bénéficie d’accès à la mer et de ressources considérables

2 A l’époque de la Présidence Koutchma, le cabinet du Président adressait en permanence les fameux « Tempniky » aux différentes rédactions des journaux, leur donnant leurs instructions sur leur traitement de l’actualité

3 Viktor Iouchtchenko a ainsi décoré à titre posthume Stepan Bendera, qui s’il a combattu pour les idées de l’Ukraine indépendante a également été un collaborateur très zélé des nazis pendant la seconde guerre mondiale.

Rédacteur :
Ulrich Huygevelde, Brussels Belgique

Très bien étudié! study
Александр
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